Né dans un village des Alpes française, depuis tout petit, je voyais l’eau couler en abondance, chantant allègrement dans les nombreuses rivières et ruisseaux dévalant les pentes de ces vertes montagnes. Dans ce village, comme dans tous les autres de cette région, le débit des nombreuses fontaines en pierre (bachal) ne diminuait qu’en hiver lors des gelées. En été, nous allions nous y désaltérer et les troupeaux de vaches s’y rassemblaient pour boire avant de se rendre aux champs ou après en être revenues. C’est là que, faute de machine, ma mère allait laver les draps dans ces eaux froides. Je l’aidais à essorer et à transporter le linge à l’aide d’une brouette. Je me souviens que mon père, originaire de l’Estrémadure, disait aux villageois quelle chance ils avaient d’avoir une eau aussi bonne et abondante. Peut-être ne comprenaient-ils pas vraiment, mais pour ma part, j’avais environ douze ans lorsque j’eus mon premier choc émotionnel à propos de l’eau. Pour la première fois, je vis vendre de l’eau dans un magasin. Je fus très contrarié et attristé de voir l’eau ainsi capturée dans une bouteille en plastique pour être vendue. Une eau qui, pour moi, appartenait à la vie, tout autant à celle des humains qu’à celle des animaux et des plantes. J’eus un flash prémonitoire: « un jour, on nous vendra l’air que l’on respire ».

Contrairement à une opinion répandue, les sentiments et l’intuition, surtout lorsqu’ils émanent d’un enfant, ne doivent pas être opposés à la raison. J’en ai eu la confirmation, il y a peu :
Dans le monde du libre marché, de la propriété privée et de la « démocratie », tout se vend sans se soucier du bien commun. Seuls comptent le profit, le gain, l’utilité, l’argent et le pouvoir. Et comme nous vivons dans une société dominée par le capital, tout a un prix et tout s’achète, et maintenant même l’eau, qui a commencé à être négociée à Wall Street, dans les contrats à terme sur l’eau en Californie, aux États-Unis.1

  1. I- Vive l’eau, vive la vie !
    1. 1) Notre mère la terre, son placenta : l’eau
    2. 2) L’âme de notre être biologique
  2. II- L’eau, la bonne à tout faire
    1. 1) L’eau convoitée
    2. 2) Les affaires qui irriguent les veines du Capital
  3. III- Au cœur du Capital : l’énergie
    1. 1) L’eau pour laver les énergies renouvelables (Green Washing)
      1. a) A la source : presser la terre pour lui en extraire l’or vert
      2. b) Le rapt et la souillure de l’eau
      3. c) Suite du marathon de l’eau : sa course éperdue à l’énergie verte
    2. 2) La grande visée : l’hydrogène vert
      1. a) le trop plein électrique
      2. b) Face à l’impasse nucléaire
      3. c) En ce qui concerne l’hydrogène vert
      4. d) La loi du plus fort
      5. e) Pour le sud, reste le paradoxe
  4. IV- Les autres industries du Capital
    1. 1) L’agro-industrie
      1. a) L’alerte qui a tout déclenché en France
      2. b) L’Espagne stagne dans la résignation
      3. c) Le coût de la richesse agricole de l’Espagne
      4. d) Plastiques, oliviers ou avocats?
      5. e) La fuite en avant par la technologie
    2. 2) Le tourisme pour couronner le tout
  5. V- L’eau comme un miroir
    1. 1) La guerre de l’eau
    2. 2) L’indispensable soulèvement de l’eau

I- Vive l’eau, vive la vie !

1) Notre mère la terre, son placenta : l’eau

On oublie que le cycle de l’eau et le cycle de la vie ne font qu’un, nous rappelait Cousteau. Quelques siècles auparavant, Léonard de Vinci définissait l’eau comme étant le moteur de toute la nature. Notre modernité accélérée non seulement nie l’histoire mais, orpheline de toute cosmogonie, elle tourne le dos aux origines de l’humanité. Or, évoquer nos origines c’est comprendre la vie, c’est se comprendre comme terriens. Remémorer l’apparition de la vie sur terre, l’évolution de la biodiversité marine, c’est célébrer sa naissance, il y a plus de quatre milliards d’années, à l’intérieur des fonds marins chauds, alors que les océans étaient répartis sur toute la planète.

2) L’âme de notre être biologique

La boisson la plus dangereuse est l’eau, elle vous tue si vous ne la buvez pas, ironisait El Perich, écrivain, dessinateur et humoriste catalan. Si la planète bleue est bien composée à 72%2 d’eau, nous le sommes presque tout autant, à raison de 65% chez un être humain adulte et de 75% chez un nourrisson.

II- L’eau, la bonne à tout faire

L’eau sale ne peut être lavée. (proverbe africain)

1) L’eau convoitée

Désormais, nous ne pouvons plus nier la crise climatique qui nous frappe de plein fouet et dont Murray Bookchin nous alertait, déjà dans les années 1960-70. Il s’agit là d’une crise multiforme et en boucle, aux effets environnementaux multiples, imprévisibles et incalculables et qui se rétro-activent avec un effet boule de neige: augmentation des températures, artificialisation des sols de l’ordre de 50 000 hectares (70 430 stades de foot) par an rien qu’en France (l’Espagne venant juste derrière), perturbations des cycles de pluies, sécheresses, incendies gigantesques, dégradation des écosystèmes, diminution de la biodiversité… Ces phénomènes entraînant à leur tour, diminution de la photosynthèse, captation de CO2 plus faible et, contre toute attente, malgré l’augmentation générale des températures, une évaporation amoindrie entraînant une pluviométrie sans cesse en décroissance et donc une sécheresse qui s’accentue3, et ainsi de suite… En conséquence, nos sociétés, qui ont émergé de cette première nature, s’en trouvent profondément affectées, et de façon bien inégale, il est vrai, même si, dans cette fournaise de notre maison qui brûle, la plupart des citoyens regardent par la fenêtre4, comme les y obligent le matraquage publicitaire des marques de lessive ainsi que les joutes électorales. Et au mieux, on leur enjoint de se doucher le moins possible.

Ces mêmes médias nous offrent la catastrophe en reality show comme écologie du spectacle, de la théâtralité et de la performance où les élites politiques, culturelles et économiques jouent les rôles de sauveurs. Le but étant à la fois de nous étourdir, de nous culpabiliser au passage, de nous rassurer et surtout de nous éviter de prendre place et d’agir. C’est ainsi que la grande majorité se voit de plus en plus inhibée et désemparée. Malgré tous les rapports scientifiques (GIEC) et les Sommets de la Terre, organisés tambour battant, depuis 1972, rien ne va dans le bon sens, bien au contraire. Les industries, extractivistes, énergétiques, numériques, agricoles et l’expansion continue des mégapoles, en plus de provoquer la réification des précipitations, se doivent d’accélérer la production énergétique. L’extractivisme qui s’ensuit entraîne une demande toujours plus grande en eau, rendant pratiquement irréversible la pollution liée à toute extraction.
Ainsi, cet élément constitutif central de la vie, devient, jour après jour, de plus en plus rare et de moins en moins sûr, mettant en péril notre constitution biologique, ses 70 % en eau mais aussi, la santé et l’approvisionnement de nos cellules via l’alimentation. Dans notre société capitaliste conflictuelle par nature, cette situation ne peut qu’aiguiser la convoitise et les tensions autour de ce bien commun en passe de nous être volé pour se convertir subrepticement en bien privé, et en objet de spéculation au même titre qu’une quelconque matière première minière ou énergétique5.

N’oublions pas que le Capitalisme est né de la plus grande violence armée. Fils du mariage tumultueux de la colonisation et des enclosures, il nous déposséda de nos moyens de production, de cette terre qui nous a enfantés comme société et à laquelle nous étions intimement liés. Séparés d’elle, les humains ont été et réduits à l’esclavage et au salariat. Tout porte à croire qu’après avoir subsumé la société, il va la déposséder de son eau. Déjà nombre de populations, les plus pauvres dans le monde, privées de cette ressource vitale, sont en danger de mort6. Cette épidémie ne tardera pas à nous atteindre dans cette zone piétonne du Capitalisme et à nous priver de notre élément vital constitutif, quitte à par la suite en crever lui-même.

2) Les affaires qui irriguent les veines du Capital

D’après la plupart des anticapitalistes, ce sont bien les industriels en tout genre, qui sont les responsables et les bénéficiaires de ces désastres. Certes ils le sont en tant qu’éléments de la complexité majeure du phénomène de la valorisation de la valeur qui table de plus en plus sur la spéculation, sur des promesses de rentabilité impossibles à tenir. Encore un phénomène de cause à effet en boucle qui se rétro-alimente et précipite le sujet automate du capitalisme (cf Marx) droit vers le vide sidéral.

III- Au cœur du Capital : l’énergie

Dès les années 70, les dirigeants des compagnies pétrolières et minières (capitalisme fossile) connaissaient les effets pervers de leurs activités. Elles fournissaient des matières premières et un carburant de nos jours toujours indispensable au industries génératrices de marchandises pour le marché mondial. Pour couper court aux critiques écologistes, lors de cette faste époque d’abondance et en prévision de la baisse progressive du volume de leurs extractions, donc de leurs bénéfices, nombre d’hommes d’affaires ainsi que leurs actionnaires, sonnent l’alerte du réchauffement climatique7. Derrière cette apparente prise de conscience, il s’agit en fait d’entamer un nouveau mode de production énergétique, complétant le premier. D’autant plus que selon un rapport du cabinet The Shift Project8, les seize pays pétroliers fournisseurs de l’Union européenne vont connaître à partir de 2030 un déclin prononcé de leur production. Dès que le pétrole disparaîtra de l’équation, le transport international (lobby logistique) et donc le système économique global seront mis en échec. Il en sera de même de toute l’ingénierie lourde indispensable à la production industrielle et à l’agro-industrie.

Le mot d’ordre est donc lancé : énergies propres, énergies renouvelables, ce qui se concrétise via le Green New Deal. Comme pour le précédent New Deal, il s’agit là de se faire épauler par une intervention et un soutien direct de l’État9. L’idée d’une énergie renouvelable grâce au vent et au soleil, a été bien sûr puisée chez les écolos qui la préconisent depuis les années 70. Sauf que là, loin d’une énergie pensée et décidée par les communautés humaines, en vue de leur autonomie énergétique qui échapperait ainsi à tout monopole, il s’agit plutôt, avec cette opposition déguisée, entre énergies renouvelables et fossiles, d’augmenter la production en diversifiant et multipliant les sources d’approvisionnement. S’ouvrent ainsi de nouveaux et fabuleux marchés, au nom d’une noble cause : lutter contre le réchauffement climatique et la pollution, grâce à une énergie propre. Voitures électriques propres fonctionnant avec des sources d’énergie propres, et renouvelables : l’électricité et l’hydrogène. Le décor pour le marché est planté , reste à voir ce qui se passe dans les coulisses.

1) L’eau pour laver les énergies renouvelables (Green Washing)

a) A la source : presser la terre pour lui en extraire l’or vert

Pour chacun des quatre grands pôles du commerce mondial, (Amérique du Nord, Europe occidentale, Russie et Asie de l’est), la production de métaux précieux est un impératif stratégique. Cela est parfaitement illustré dans le discours10 édifiant du vice-président de la Commission européenne chargé de la prospective, Maroš Šefčovič le 12 septembre 2022 lors de la conférence européenne sur la sécurité des matières premières. Après avoir cité Margaret Thatcher, (Il n’y a pas d’alternative)…il affirme la nécessité d’ouvrir de toute urgence, des mines en Europe, «Pour construire l’économie décarbonée et numérique à laquelle nous aspirons tous, et pour assurer nos capacités de défense militaire.».
Pour ces chantres du soit-disant développement durable, l’ode à une stabilisation du réchauffement global vers 2°C, se traduit par une demande de lithium pour 2040 multipliée par 42, celle de graphite par 25, de cobalt par 21 et de nickel par 19, essentiellement pour la fabrication de batteries, notamment celles des véhicules électriques. Il en va de même pour le secteur du numérique qui à lui seul engloutit une quantité astronomique d’énergie, et dans sa version renouvelable, requiert quantité de métaux rares. Pour exemple, la moitié de la production du métal argent est destiné à ce secteur et à celui de la course à l’espace et à l’armement. D’où l’angoisse de l’Union européenne et sa précipitation à ne pas se voir dépassée par la concurrence. D’ailleurs la guerre d’Ukraine se situe bien dans le collimateur de cette âpre lutte pour les terres rares puisque, comme nous le précise Célia Izoard : « classée au cinquième rang mondial pour ses réserves en fer, en graphite et en manganèse — deux éléments critiques pour la production de batteries électriques…l’Ukraine est aussi la sixième productrice mondiale de titane, métal stratégique pour la production aéronautique, et recèle d’importants gisements de lithium, de cuivre, de cobalt et de terres rares, utilisés aussi bien dans le domaine énergétique que dans l’électronique et la défense. »

b) Le rapt et la souillure de l’eau

Outre l’accentuation du colonialisme minier débridé des quatre grands pôles du commerce mondial, déjà cités (par ex, le lithium en Bolivie, le fer en Inde, le pétrole en Équateur, etc.) avec ses dramatiques conséquences comme, entre autres, la dévastation des forêts tropicales, la contamination des lacs et rivières, etc11…, il va falloir convaincre les populations européennes d’accepter ce boom minier sur leurs propres territoires. D’autant plus que les mines autrefois abandonnées pour leur faible concentration en métaux, puisqu’elles génèrent plus de déchets que par le passé, nécessitent désormais des quantités d’eau encore plus considérables: une grande mine de cuivre peut en consommer 40 millions de m3 en un an. Dans dix ans, comment alimenter les mines de cuivre du Sud de l’Espagne ou du Portugal, alors que l’on assiste à un stress hydrique sans précédent?
Mais l’État, en tant que gardien du Capital, prend ses précautions aussi bien en France qu’en Espagne pour donner la priorité absolue à l’industrie, minière d’abord et agricole ensuite. En Andalousie, par exemple, les activités minières sont déclarées sans ambage d’Intérêt Public Supérieur (Interés Publico Supérior)12. En France, même lorsqu’il s’agit de mines d’uranium, le gouvernement se veut rassurant en prenant des mesures soit-disant strictes concernant l’après-mine13. Mais dans les deux cas, comment cela se traduira-t’il pour les populations locales?
Comme nous l’explique Célia Izoard, toute l’Europe est concernée mais l’Andalousie en souffrira davantage : À Rio Tinto, Atalaya Mining met en avant son système en circuit fermé visant à économiser la ressource. Une partie des eaux de traitement est réinjectée dans le système, qui est aussi alimenté par des prélèvements des eaux acides accumulées au fond des anciennes fosses. Mais sans en faire une grande publicité, l’entreprise prélève aussi de « l’eau fraîche » (c’est le terme technique) dans les barrages à raison de 18 millions de litres par jour, ce qui représente la consommation quotidienne de 130 000 habitants de la région14.
Outre la contamination par l’extractivisme en soi, s’ajoute le stockage désormais bien plus important. Et plus inquiétant s’il le fallait, les déchets miniers ont un potentiel plus que centenaire, voire millénaire, de production de jus acides et toxiques15.

c) Suite du marathon de l’eau : sa course éperdue à l’énergie verte

Au-delà de cette voracité en eau, l’extraction des métaux rares (iridium, ruthénium ou osmium, cobalt, lithium, nickel, etc.) nécessite tellement d’énergie du début à la fin du processus, que toute cette gloutonnerie minérale pourrait bien augmenter la crise climatique au lieu de l’atténuer. Mais en ce monde de frénésie de l’entreprenariat, tout se justifie. En plus de l’industrie du numérique, de l’armement, de la course à l’espace et des voitures électriques, cet extractivisme tout feu tout flamme, sert aussi à la production des cellules pour les panneaux photovoltaïques et autres éléments pour le montage des éoliennes. Et malgré toutes les opérations préalables époustouflantes de pollutions et de dépenses en eau et énergie, il s’agit là, nous dit-on, d’obtenir une énergie électrique que l’on s’évertue à nommer propre et illimitée à l’image du soleil qui les meut et d’une transition écologique vers la production d’énergie renouvelable.

2) La grande visée : l’hydrogène vert

a) le trop plein électrique

Plus que tout autre lobby, celui des éoliennes cherche à se développer coûte que coûte. Avec le label « renouvelable », tout comme les panneaux photovoltaïques, elles ont le vent en poupe16 et l’on en construit des parcs sur terre et mer, en les massifiant pour faire baisser le coût d’installation, même si cette massification provoque un ralentissement du vent et donc de la production. La propagande zélée du Green Washing veut convaincre les populations, par matraquage médiatique, de la nécessité écologique d’installer des parcs éoliens ou photovoltaïques sur leurs territoires, épaulées par la réglementation européenne déclarant vouloir protéger leurs habitants, de la flore aux humains en passant par la faune.

Il n’en est rien ; la vie marine étant perturbée par les vibrations des pales, les pêcheurs voient leur activité fortement compromise et les entreprises vertes harcèlent les villageois pour leur prendre leurs terres agricoles. Dans la province de Málaga où je vis, comme dans presque toute l’Espagne, les entreprises installant les énergies renouvelables pratiquent une stratégie frisant celle des mafias en s’appuyant sur un flou juridique qui leur permet d’avancer l’argument massue d’utilité publique.
Ces entreprises vertes ne risquent pas de voir leur agressivité freinée puisqu’adoptant la maxime du despotisme éclairé Tout pour le peuple, mais sans le peuple, ce 24 janvier 2023, lors d’une session extraordinaire, le Congrès des députés a validé le décret-loi royal 20/2022. Les articles 22 et 23 de ce RDL permettant aux projets renouvelables MACRO de plus de 50 MW de ne pas être soumis à une évaluation environnementale et à une approbation par silence administratif. Qu’importe si cela viole les réglementations européennes !
Ainsi, en Espagne, les énergies renouvelables peuvent occuper l’équivalent de 10 % des terres cultivées et des pâturages. Selon la délégation du gouvernement de Grenade, on s’attend à ce qu’un million d’oliviers soient déracinés afin d’occuper les terres avec des panneaux photovoltaïques. L’Estrémadure compte déjà plus de 30 000 hectares de centrales photovoltaïques et, 50 000 hectares de terres seront couvertes de panneaux solaires, d’ici 2030. Pas besoin d’être prophète pour connaître les répercussions environnementales. Il suffit pour cela de regarder du côté de la Californie et la cohorte de désastres suite à la mise en place de cette politique du tout énergie renouvelable.17
Mais pourquoi toujours plus d’électricité ?

b) Face à l’impasse nucléaire

Alors que certains, au nom de la décarbonisation, défendent encore le mythe du nucléaire, Naoto Kan, premier ministre du Japon au moment de la catastrophe de Fukijama, devient l’un des grands adversaires du nucléaire dans le monde: Fermez au plus vite les centrales nucléaires car une centrale nucléaire sûre est une centrale fermée. Gregory Jaczko, ex-patron de la sûreté nucléaire aux Etats-Unis, estime pour sa part, que les réacteurs nucléaires représentent un danger inacceptable. En outre, l’extraction minière de l’uranium constitue, dans le monde entier, la source la plus importante de risques pour la santé humaine sur l’ensemble du cycle d’exploitation, liés à la fois à la radioactivité et à la toxicité de l’uranium.
En outre, pour chaque tonne d’uranium extrait, il y a entre quatre et cent tonnes de déchets radioactifs, sans parler de l’eau utilisée pour refroidir les centrales qui réchauffe celle des rivières.

c) En ce qui concerne l’hydrogène vert

Les compagnies électriques ayant reçu le feu vert, poursuivent inexorablement leur course productiviste pour la valorisation de la valeur, condamnées qu’elles sont entre elles à une féroce compétitivité, ce qui se traduit par croître, vaincre ou mourir sur l’arène du marché mondial. Pas facile d’augmenter la consommation d’électricité au-delà des niveaux actuels, surtout que la consommation d’électricité en Espagne et dans l’UE est en baisse depuis 2008. De plus l’électricité est un vecteur énergétique très utile, mais elle ne représente que 20 % de la consommation finale d’énergie dans le monde, et moins de 25 % dans les pays les plus avancés. D’où cette gageure de contourner partiellement le problème des énergies renouvelables en transformant l’électricité en hydrogène, solution ruineuse sur le plan énergétique, mais seule issue qu’ont trouvée les grandes compagnies pétrolières pour qu’en échangeant simplement de l’essence contre de l’hydrogène, ou mieux encore de l’hydrogène contre du « gaz naturel », tout reste inchangé.
Les deux technologies sur lesquelles parie le Green New Deal, pour augmenter la consommation d’électricité posent un dilemme. Autant la voiture électrique que l’hydrogène vert, par hydrolyse de l’eau avec de l’électricité provenant de sources renouvelables, ne peuvent être massifiés en raison de leurs besoins en métaux rares, de leur dépendance à l’énergie fossile et de leur inefficacité, comme le soulignent les rapports répétés de l’Agence internationale de l’énergie, de l’Agence européenne pour l’environnement ou du GIEC. En effet ce processus occasionne des pertes d’énergie significatives : 20-30% de l’électricité entrant dans l’usine d’électrolyse, et 20-30% supplémentaires dans l’énergie utilisée pour chauffer l’eau.
D’autre part, contrairement aux économies ayant de grands centres de production, comme c’est le cas pour les énergies fossiles, la production d’énergies renouvelables est par définition très dispersée, avec une faible densité énergétique et des fluctuations de production considérables. Difficulté supplémentaire : l’hydrogène n’est pas facile à manipuler ou à transporter. Il a tendance à fuir facilement étant donné la très petite molécule qui le compose, et il corrode également les tuyaux conventionnels. Il doit donc être stocké avec beaucoup de précautions car c’est un gaz qui s’enflamme deux fois plus vite que le propane ou le méthane, qui explose au contact de l’air. En plus de son manque d’efficacité, 1 tonne d’hydrogène dans l’atmosphère revient à y rejeter 13 tonnes d’équivalent CO₂.
Raison pour laquelle il nous faut éviter de tomber dans le piège des fausses promesses technologiques. Cependant l’initiative politique politicienne étatique, obnubilée par ces deux technologies, condamne l’action publique à l’inanité et les pays les plus riches continuent de faire la loi sur le Marché.

d) La loi du plus fort

Selon Antonio Turiel, scientifique et chercheur à l’Institut des Sciences de la Mer de Barcelone (CSIC), l’Allemagne prend des mesures pour obtenir autant d’hydrogène que possible, et un ministre allemand a déjà déclaré que les pays d’Europe du Sud devaient collaborer avec l’Allemagne sur de nouveaux projets d’énergie renouvelable et de production d’hydrogène. L’Espagne reçoit plus des fonds de résilience qu’elle n’en recevrait compte tenu de sa population et de son PIB. 37 % de ces fonds sont destinés à des projets qui mènent à la décarbonisation, alors l’Allemagne se frotte les mains parce que nous, les Espagnols, nous installons beaucoup de projets et nous ne travaillons pas sur l’hydrogène, mais l’Allemagne s’y met. À court terme, l’Espagne pourrait devenir le Congo de l’Allemagne. En Europe, ils sont très clairs sur le fait que l’industrie de toute l’Europe ne peut pas être maintenue, ils vont essayer de la maintenir en Allemagne et en partie en France et le reste n’aura qu’à couler. Nous allons devenir un fournisseur parce que l’Espagne a un bon potentiel d’énergie renouvelable18.

e) Pour le sud, reste le paradoxe

Si effectivement les panneaux photovoltaïques recouvrant de nombreux hectares, pourraient bien pourvoir à la production de l’électricité renouvelable requise, qu’en est-il du second élément, l’eau? Sachant que cette production en requiert beaucoup, non seulement pour l’électrolyse mais aussi pour le refroidissement des équipements. Un électrolyseur de 40 gigawatts (GW), nécessiterait 254 millions de m³ d’eau par an. Et cela dans un pays semi-aride, touché plus que tout autre en Europe par le réchauffement climatique et par les problèmes du manque d’eau.

IV- Les autres industries du Capital

1) L’agro-industrie

a) L’alerte qui a tout déclenché en France

Selon le journal Le Monde du 27 avril 2022, sur la planète, 40 % des terres sont désormais dégradées, à cause de l’artificialisation (Béton, asphalte, etc..) et de la désertification, ce qui affecte directement la moitié de l’humanité. L’agriculture industrielle y est pour beaucoup mais en plus c’est une grande prédatrice de ce précieux liquide. Elle semble passer au second plan dans ce forfait et pourtant, c’est elle qui, sans le vouloir, a déclenché l’alerte généralisée du problème affectant directement les populations.

Les méga-bassines ne sont que la pointe de l’iceberg de cette agro-industrie productiviste qui vise uniquement la valorisation monétaire, grâce à une production agricole devenue pure marchandise sur le marché mondial. Infrastructures géantes, chacune de la taille de dix à vingt terrains de football, ces bassines géantes ne recueillent pas l’eau de pluie. Elles sont remplies en pompant l’eau dans les nappes phréatiques en hiver. Ces nappes qui assurent le cycle de l’eau se voient vidées de leur contenu. 
Du coup cette dernière n’alimente plus les rivières qui se transforment en voies caillouteuses et inertes sur des centaines de kilomètres, tuant ainsi sur leur chemin toute une foisonnante biodiversité. Ces réserves ne profitent donc qu’à une poignée d’agriculteurs pour une culture intensive — notamment celle du maïs — très gourmande en eau et très polluante.

C’est tout le mérite du mouvement des soulèvements de la terre que d’avoir alerté le monde entier du rapt et de la souillure de l’eau par l’industrie agricole. Et cela, grâce au rassemblement de 30 000 manifestants venus du monde entier le 25 Mars 2023 dans les Deux-Sèvres, pour s’opposer aux méga-bassines, défendre l’eau et la terre. Les violences policières, quasiment militaires, ont révélé au monde entier à quel point l’État est disposé à défendre coûte que coûte son alter-égo, le Capital.

b) L’Espagne stagne dans la résignation

Ici les méga-bassines ne font plus sensation, elle sont là depuis plus de 40 années, précédées elles-mêmes par des barrages promus sous Franco, au nombre de 17000 dont les plus gros, environ 1200, détruisent les cours d’eau.
Le transfert d’eau Tage-Segura est une infrastructure d’une longueur de 300 km, qui traverse Castilla-La Mancha jusqu’au réservoir de Talave, d’où l’eau est distribuée à Murcie, Alicante et Almeria. Grâce à cet ouvrage hydraulique gigantesque, pensé avant la guerre civile et mis en place en 1960, l’eau est acheminée par un canal d’une capacité de 35 m3 d’eau/seconde, avec des sections en tunnels et d’autres en aqueducs.

c) Le coût de la richesse agricole de l’Espagne

Cet ouvrage titanesque a permis l’expansion de l’horticulture intensive actuelle dans le sud-est de l’Espagne, ce qui en fait l’une des plus grandes zones d’Europe pour la production de légumes hors saison en plein air. Dans la sphère politique, cela a donné lieu, au fil des ans, à une « guerre de l’eau », un conflit qui a éclaté non seulement entre les partis politiques mais aussi entre plusieurs régions espagnoles comme Castille-La Mancha, Murcie ou Valence. Une situation qui s’est encore aggravée avec les dernières sécheresses.
Selon Rafael Seiz, technicien au WWF Espagne : Il s’agit d’une espèce de suicide hydrique….Nous avons compté sur les infrastructures pour nous sauver : retenir l’eau dans des réservoirs et la distribuer. Cela a créé un sentiment de garantie, mais lorsque la demande d’eau augmente, il faut relâcher une grande partie de l’eau retenue, ce qui réduit la garantie ». L’Espagne compte près de 4 millions d’hectares de terres irriguées, contre 2,5 millions d’hectares en Italie, 1,2 million d’hectares en Grèce et 1,4 million d’hectares en France. L’augmentation soutenue des terres irriguées a entraîné sans équivoque une augmentation de la demande en eau.

Malgré son déficit hydrique prononcé, ce potager de l’Europe. devient leader européen de l’export avec 60 % de sa production. C’est dire la pression que cette agriculture intensive exerce sur les ressources hydriques, en les surexploitant, avant même le boom des énergies renouvelables. Avec 17 % seulement des surfaces cultivées celles-ci assurent 65 % de la production agricole finale du pays.

Ces derniers mois, la situation des zones humides de Doñana (Huelva), Parc Naturel, Réserve de la biosphère, zone de refuge pour de nombreuses espèces d’oiseaux, dont beaucoup sont endémiques et certaines en voie d’extinction, a été mise en lumière par les médias. Outre la diminution des précipitations, les eaux souterraines sont également prélevées pour la culture de fraises et de fruits rouges dans des serres situées à proximité de la zone naturelle. Non seulement la contradiction entre la valeur écologique de l’eau et sa valeur économique (mines et énergies renouvelables) entre en jeu, mais cela provoque des conflits entre les agriculteurs d’un même secteur : ceux qui ont été approvisionnés jusqu’à présent par l’irrigation légale et ceux qui ont utilisé des puits illégaux et qui bénéficieraient de la mesure d’extension de la zone irrigable, récemment approuvée par la Junta de Andalucía (gouvernement régional d’Andalousie).

d) Plastiques, oliviers ou avocats?

À Almeria également, les cultures plastiques utilisent beaucoup plus d’eau que toute autre ressource. Ici, le déficit hydrique est structurel et dépasse les 200 hm3 par an. Pour y remédier, d’autres sources d’eau sont utilisées, comme les usines de dessalement, qui ne couvrent qu’une petite partie du total à un coût énergétique élevé.
Plus près de chez moi, l’Axarquía, contrée située à l’Est de la province de Málaga, autrefois recouverte de vignes et d’oliviers, cultures typiques des terres arides, est devenue la première productrice d’avocats en Europe avec plus de 10.000 hectares de cultures subtropicales. Ces cultures dépendent presque exclusivement d’un bassin de retenue d’eau (La Viñuela) qui est actuellement à sec. Spectacle affligeant que ces arbres se desséchant et coupés pour leur survie en attendant une douteuse pluie salvatrice. L’on reproche souvent à ces agriculteurs d’avoir planté des avocatiers, gros consommateurs d’eau mais peut-on reprocher à ces petits agriculteurs de les avoir plantés sur leurs parcelles n’excédant pas le deux hectares?

Qui, en fin de compte décide du type et mode de culture? Par exemple si, les oranges en bio sont au mieux, payées à 30 centimes le kg, les avocats, avec le même travail le sont au minimum à 2,50€. Je connais bien ces agriculteurs puisque je travaille avec eux en relation avec des AMAP en France. Rien à voir avec ces gros agriculteurs exportateurs d’avocats qui, eux, ont investi en achetant toutes les terres possibles pour planter le plus d’avocatiers possible. D’ailleurs, ils ont souvent recours aux exportations d’Amérique du Sud, à un prix modique, plutôt que de les acheter sur place, tout en les faisant passer pour des fruits locaux. Doit-on se focaliser sur le choix des variétés pour trouver une solution au problème hydrique? En tant que consommateur, suffira-t-il de boycotter telle ou telle production?

Il y a actuellement, en Espagne quelque 769 496 ha d’oliveraies irriguées qui couvrent environ 50% de la consommation d’huile d’olive de par le monde. Si l’on y ajoute les olives de table, la superficie totale s’élève à 2,76 millions d’hectares et les oliveraies irriguées à 866 738 hectares soit 35 % des oliviers. Contrairement à l’avocatier, l’olivier, par nature, ne nécessite pas d’irrigation pour fructifier. Cependant cette dernière permet de doubler leur production. Leur consommation en eau s’élève à plus de plus de 5 000 m3/ha et para an.
En 2021, la superficie consacrée à l’avocat en Espagne était de 20 370 hectares et leur consommation en eau estimée à environ 9 000 m3/ha et par an. Facile de s’apercevoir que la culture de l’avocat nécessite presque le double d’eau que celle de l’olivier, mais qu’en revanche leur surface est 40 fois moindre. Il semblerait donc que ce n’est pas le type de culture qui détermine la consommation d’eau mais bien le type d’agriculture. L’agro-industrie n’obéit qu’à une seule règle: la valorisation de la valeur par l’ouverture infinie de ses marchés quitte à se couper l’herbe sous le pied.

e) La fuite en avant par la technologie

Pour faire face à la sécheresse: la fuite en avant pour les plus gros et la résignation pour les plus petits. Le long de la côte une fois les puits vidés de leur eau douce, l’eau de mer s’y infiltre de plus en plus et les cultures périclitent. Pour y palier les gros propriétaires, aidés par les Institutions, s’affairent pour acheminer, via de longues canalisations, de l’eau douce provenant des eaux usées des villes voisines situées parfois à 40km comme Malaga. L’idée paraît ingénieuse mais, pour Thierry Uso, membre d’Eau secours 34, en France: «Environ deux tiers des projets ne sont pas viables économiquement, Il faut bien souvent des kilomètres de tuyaux pour apporter l’eau des stations vers les parcelles agricoles, avec de la pression, donc de l’énergie. Et puis, les eaux usées sont généralement trop salées, par nos urines, pour les cultures, et demandent donc un traitement supplémentaire, qui peut être coûteux.»
Les petits agriculteurs ne pouvant faire face à ces investissements voient leurs cultures péricliter tandis que les gros franchissent une autre étape qui leur fournira encore plus d’eu douce grâce aux coûteuses usines de dessalement.

En Catalogne sans pluie significative depuis trente-deux mois, ce sont les habitants qui
sont directement affectés. Au mois de Mars, 500 communes étaient déjà placées en état d’alerte et actuellement, les réservoirs qui approvisionnent en eau les 7,7 millions d’habitants de la province ne sont qu’à 26% de leur capacité. Dans l’immédiat, les autorités régionales misent sur les usines de dessalement, au nombre de 700 dans le pays, souvent éloignées des villes et villages, d’où un besoin accru de moyens et d’énergie pour acheminer ce précieux liquide.

Mais comme dans le domaine de l’agro-industrie, très onéreuses et gourmandes en énergie, ces stations en rejetant d’immenses quantités de saumure en mer représentent un grave risque pour la faune et la flore des fonds marins.

2) Le tourisme pour couronner le tout

En Espagne, ce secteur comme tous les secteurs industriels, va s’accaparer les terres paysannes traditionnelles. Actuellement, pour l’économie politique, le tourisme est d’une importance cardinale puisqu’il représente 13% du PIB. Avec 55,6 M de visiteurs en 2005, 64 millions en 2014, et plus de 85 millions en 2023, c’est la seconde destination mondiale touristique derrière la France. Son littoral de 8000 km est désormais bétonné sur une profondeur de 500 mètres à l’intérieur des terres dans plusieurs provinces, provoquant en plus de dégâts écologiques importants une destruction culturelle sans précédents. Mais rien de tout cela n’existerait sans les investissements étrangers dans ce secteur venus bien à propos au secours du régime franquiste aux abois dans les années 1960. Ces investissements dans le béton et le bitume, destinés principalement à l’immobilier (infrastructures en béton), ont provoqué un boom touristique inouï.
Les promenades, les hôtels, les ports de plaisance ont artificialisé les plus belles plages. Les canalisations d’eau potable et de traitement des eaux usées ont achevé le travail d’enlaidissement et de destruction du littoral.
Au béton s’ajoute le bitume pour les autoroutes, les aéroports et les parkings et ce qui va avec c’est-à-dire des carrières à ciel ouvert tout au long du paysage.
Outre l’énormité de l’empreinte carbone que produit le trafic aérien et autres moyens de transport, le bilan du stress hydrique contribuant à l’édification et au maintien de l’empire touristique est colossal lorsque l’on sait que le béton consomme environ 10% de l’eau industrielle à l’échelle mondiale. Surtout que l’eau est toujours tirée des nappes phréatiques, l’eau salée ne convenant pas au béton armé et que par sa logique tout secteur industriel tire la couverture dans une recherche croissante de profit. Mais en plus de la création de nouvelles installations reste le maintien des précédentes. Ainsi, par exemple, Santa Olalla, la plus grande lagune permanente de Doñana, dernière à contenir de l’eau en août dernier, a fini par disparaître, complètement asséchée en raison d’une période de sécheresse intense et de la surexploitation de l’aquifère par le complexe touristique de Matalascañas à Huelva.
Pas étonnant puisque l’Andalousie est la communauté autonome qui, avec ses 4300 ha, compte la plus grande superficie occupée par les terrains de golf. Ce qui requiert une irrigation intensive et d’énormes quantités de pesticides qui polluent les aquifères. Les besoins en irrigation d’un terrain de golf moyen de 18 trous (40-50 hectares) dépassent les 500 000 m3 par an, avec une consommation quotidienne pendant les mois d’été d’environ 3 000 m3. (l’équivalent de la consommation domestique de plus de 8 000 personnes).

V- L’eau comme un miroir

1) La guerre de l’eau

J’ai évoqué tout au début ma précoce offuscation de voir l’eau emprisonnée dans une bouteille en plastique pour être vendue. Peu de temps avant mon installation sur la parcelle de terre où je vis, un paysan en tuait un autre lors d’un désaccord concernant les horaires d’irrigation de leurs parcelles voisines. Quelques années plus tard, en 1995, la Banque mondiale publiait un rapport pronostiquant: de nombreuses guerres ont eu au XXe siècle pour origine l’accès aux ressources en pétrole, l’eau sera la cause des guerres du siècle prochain.
Cette Institution, œuvrant au cœur même du Capital et qui se nourrit essentiellement de sa dynamique de guerre au sein du marché mondial, était bien placée pour le diagnostiquer sans risque de se tromper. Depuis l’an 2000, 1057 conflits armés pour l’eau ont été enregistrés dans le monde, au Proche Orient, au Yémen, en Inde, en Somalie, en Bolivie, etc…
Ici et maintenant, nous y sommes ou presque. Que ce soit en France et plus encore en Espagne, les industriels de l’agro-industrie luttent entre eux pour l’accès à l’eau. Ces industriels entrent aussi en conflit avec d’autres secteurs industriels comme le tourisme, les mines et les énergies renouvelables. Mais plus encore, toute industrie étant prioritaire pour les affaires, cette dynamique est en phase de priver les populations de leurs moyens de subsistance en eau mais aussi de leurs besoins alimentaires car la production agricole dépend elle aussi de l’eau.

2) L’indispensable soulèvement de l’eau

De quoi s’agit-i? D’ignorance en matière agronomique ou écologique, d’une série de fausses manœuvres, d’erreurs politiques, d’une technologique déficiente?
Bokkchin y répondait ainsi en 1962: Accumuler pour affaiblir, racheter, absorber ou dominer d’une façon ou d’une autre le concurrent est une condition de la survie dans l’ordre économique capitaliste. Nous l’avons vu, actuellement la concurrence fait rage et ne se joue plus seulement entre les entreprises d’une même spécialisation mais bien entre tous les lobbies quels qu’ils soient. Peints en vert pour la plupart, bénéficiant aussi des subventions de l’État (Green New Deal), monopoliser l’eau comme ressource indispensable à exploiter, devient une question de survie. Cette impitoyable guerre économique et technologique, larvée ou déclarée entre lobbies, avec l’aide des États qui en dépendent, se poursuivra au détriment de la nature (des écosystèmes, de la société et ses populations). Leurs activités sans cesse croissantes et aveugles, dans ce chacun pour soi sans finalité pratique déterminée, malgré les discours officiels, recherchent uniquement un profit sur le court terme, pariant sur des promesses qu’ils ne pourront tenir. Il ne s’agit là que de spéculation s’appuyant sur le capital financier (voire hydrogène vert, économies d’énergies et effets rebonds19, etc.) De fait, cette guerre qui se précipite accentue la désertification de la terre, sa pollution et celle de l’eau, mais en plus elle en vient à s’accaparer cette dernière, constituante essentielle de notre vie, de nos corps.

C’est pourquoi il est maintenant vital pour l’eau, de se soulever et d’en finir avec ce système économique mortifère. Partant d’une analyse radicale de ce dernier fondée sur l’injonction de « croître ou mourir» et tirant les enseignements de l’histoire des tentatives d’émancipation, l’écologie sociale et le communalisme, hors des sentiers battus, nous offrent des chemins possibles pour agir ici et maintenant, créer du lien pour résister et diluer le diktat de l’économie jusqu’à le noyer.

C’est pourquoi il est vital que nous, terrien-nes faits d’eau, nous nous soulevions et luttions pour stopper cette barbarie par tous les moyens mais aussi en vue d’en finir avec ce système économique mortifère. Il nous est indispensable pour cela de bien comprendre que le Capitalisme via son système politique de Démocratie représentative ne permettra jamais à ses adversaires d’instaurer les institutions authentiquement démocratiques dont nous avons besoin pour lutter contre lui. Le Capitalisme et la biosphère ne peuvent tout simplement pas coexister indéfiniment…De plus en plus le choix semble clair: ou bien nous établissons une société écologique, en intégrant prioritairement le local, ou bien les fondements de la société et de notre milieu naturel s’écrouleront. Ainsi, la reconquête du politique et de la citoyenneté n’est pas seulement la condition préalable à une société libre, elle est la condition de notre survie en tant qu’espèce. La question écologique exige une reconstruction fondamentale de la société et c’est bien ce que se propose l’écologie sociale et le communalisme.

Septembre 2023 par Floréal M. Romero

Auteur de Agir Ici et maintenant. Penser l’Écologie sociale de Murray Bookchin aux Éditions du Commun.

  1. https://www.iagua.es/blogs/luis-lujan-cardenas/wall-street-negocio-agua-encima-derecho-humano-0 ↩︎
  2. Océans : 97,5%, eau douce : 2,5%, dont glace et neige éternelle : 69,8%, eaux souterraines : 29,9% et lacs et rivières : 0,3%. ↩︎
  3. Voir: https://www.lemonde.fr/blog/huet/2019/08/15/climat-la-croissance-vegetale-en-panne-seche/ ↩︎
  4. Comme le déclama Pompidou, un jour de grande révélation. ↩︎
  5. https://www.iagua.es/blogs/luis-lujan-cardenas/wall-street-negocio-agua-encima-derecho-humano-0 ↩︎
  6. La pénurie d’eau affecte véritablement tous les continents. Près d’1, 2 milliard de personnes, soit pres d’un cinquième de la population mondiale, vivent dans une zone où l’eau fait physiquement défaut et 500 millions de personnes sont menacées du même sort. 1,6 milliard de personnes supplémentaires, soit
    presque un quart de la population mondiale, sont confrontées à une pénurie d’eau de type économique (les pays ne disposant pas des infrastructures nécessaires pour utiliser l’eau des rivières et des nappesphréatiques). https://www.un.org/fr/waterforlifedecade/themes/scarcity.shtml#:~:text=La%20p%C3%A9nurie%20d’eau%20touche,des%20conditions%20de%20stress%20hydrique. ↩︎
  7. Pour son activité contre le réchauffement climatique, Al Gore, mentor de Greta Thumberg (désormais à faveur des centrales nucléaires), politicien et homme d´affaire obtient, avec le GIEC, le prix Nobel de la paix en 2007. Il va plus loin au Forum de Davos en Janvier 2023:
    Regardez la xénophobie et la tendance politique autoritaire qui ont émergé après seulement quelques millions de réfugiés (climatiques). Que se passera-t-il quand ils seront un milliard ? Nous perdrons notre capacité à gouverner dans ce monde.
    https://www.capital.fr/economie-politique/ouverture-de-davos-long-oxfam-veut-abolir-les-milliardaires-1457433 ↩︎
  8. https://reporterre.net/L-Europe-a-dix-ans-pour-se-preparer-au-pic-de-petrole ↩︎
  9. Le New Deal est le nom de la politique mise en place à partir de 1933 par le président américain Franklin Delano Roosevelt pour sortir les Etats-Unis de la récession créée par la crise économique de 1929. Le New Deal est une relance économique par des crédits et des commandes de l’État ainsi qu’une réforme du capitalisme américain. ↩︎
  10. https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/SPEECH_22_5484 ↩︎
  11. http://www.samarco.com/en/rompimento-de-fundao/ ou http://www.wise-uranium.org/mdaf.html ↩︎
  12. https://www.chguadalquivir.es/documents/10182/2564531/PHGuadalquivir_ANEJO8_Apendice6.pdf/d110f478-4411-4a65-ca0c-eff06ad4c556 ↩︎
  13. Dans le nouveau Code minier, le gouvernement s’est engagé à obliger les entreprises à assurer la sécurité de leurs installations et de leurs déchets : elles devront veiller à leur sécurité pendant trente ans après la fermeture d’une mine. Ces garanties semblent dérisoires au regard des échelles de temps des pollutions minières. Célia Izoard dans Reporterre : Il n´y a pas d´après-mine heureux ↩︎
  14. A quelques kilomètres de Rio Tinto, la mine de cuivre de Cobre Las Cruces est considérée comme une pionnière de la mine durable et reçoit à ce titre le soutien de la Commission européenne via le programme public-privé EIT Raw Materials. Le principal gisement exploité dans cette mine à ciel ouvert est situé juste au-dessous d’un aquifère qui alimente la ville de Séville. C’est l’une des principales sources d’eau souterraine de la vallée semi-aride du Guadalquivir. L’entreprise First Quantum Minerals a obtenu le droit de lancer l’exploitation en mettant en avant un système révolutionnaire de « drainage par réinjection ». L’eau de l’aquifère est drainée puis réinjectée en aval pour éviter qu’elle n’entre en contact avec les substances présentes dans le gisement. Rapidement, l’aquifère s’est révélé pollué à l’arsenic. En 2016 puis en 2021, l’entreprise a été condamnée à payer plusieurs millions d’euros d’amende pour contamination et prélèvement illégal d’eau souterraine. Cela n’a pas empêché First Quantum Minerals d’obtenir quelque temps plus tard le droit d’agrandir l’exploitation et de prélever jusqu’à 6 millions de m³ d’eau souterraine par an dans le même aquifère.
    Aimablement mis à notre disposition par Celia Izoard en avant-première. Extrait de son livre La Ruée minière au xxie siècle. Enquête sur les métaux à l’ère de la transition Seuil, Janvier 2024
    . ↩︎
  15. L’exemple de l’Espagne est très éclairant: du fait de l’exploitation de l’or sous l’Empire romain, en Andalousie par exemple, certains cours d’eau et sols sont encore pollués aux plomb, bismuth, arsenic et antimoine. https://www.cairn.info/revue-z-2018-1-page-50.htm ↩︎
  16. Le Parlement européen, réuni cette semaine à Strasbourg en séance plénière, a décidé de porter à 45 % d’ici 2030, au lieu de 22 % actuellement, la part des énergies renouvelables dans la consommation électrique de l’Union européenne. Les Echos du 14-09-2022 https://www.lesechos.fr/monde/enjeuxinternationaux/leurope-redouble-dambition-pour-les-energies-renouvelables-1787973 ↩︎
  17. https://information.tv5monde.com/international/climat-le-green-new-deal-dalexandria-ocasio-cortezpeut-il-changer-la-donne-32077 ↩︎
  18. Dans une entrevue du 13 Juin 2021 du journal Astorga Redacción ↩︎
  19. Pour les effets pervers du Greenwashing l’exemple des pellets :
    https://www.slate.fr/story/222620/bruler-granules-bois-rien-ecologique-biomasse-pas-neutre-carbonebioenergie-renouvelable-polemique-gaz-effet-serre ↩︎

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