Un état des lieux – Chapitre II

  1. Un état des lieux – Chapitre II
    1. « Impérialisme d’exclusion et état d’exception » de Robert Kurz
    2. « La Voie pauvre de la rébellion » de Jacques Fradin
    3. « Une violence éminemment contemporaine » Jean-Pierre Garnier
    4. « Fragmenter le monde » de Josep Rafanelli i Orra
    5. « En attendant la fin du monde » de Baudouin de Bodinat
    6. « La Société ingouvernable » de Grégoire Chamayou
    7. « Politique des multiplicités » de Eduardo Viveiros de Castro
    8. « Avis de tempêtes : la fin des beaux jours ? » de Collectif
    9. « De la démocratie en Pandémie » de Barbara Stiegler
    10. « La Liberté dans le coma » de Groupe Marcuse
    11. « Prospérités du désastre : Aggravations » de Jean-Paul Curnier
    12. « Contre la résilience » de Thierry Ribault
    13. « Antimatrix » de Alessi dell’Umbria
    14. « La Nature contre le capital » de Kohei Saito
    15. « Le Mur énergétique du capital » de Sandrine Aumercier
    16. « L’Impasse capitaliste » de Tom Thomas

« Impérialisme d’exclusion et état d’exception » de Robert Kurz

Publié en Allemagne en 2003 mais édité en France en 2018, un texte d’une grande lucidité sur la nouvelle donne par laquelle le capitalisme mondial espère perdurer et « qui a déjà tous les traits de la nouvelle barbarie qui vient. »
« Partout où les mouvements sociaux et intellectuels contre la guerre et les brutales restrictions du capitalisme en crise menaçaient de franchir un seuil critique et de briser la pseudo-loi naturelle de la subordination de toutes les ressources sociales au principe irrationnel de la valorisation, les appareils démocratiques laissèrent apparaître l’hideuse face violente de l’état d’exception. (…) Le construit de la « souveraineté du peuple » s’avéra dans la pratique une contre-vérité et le travestissement idéologique d’un principe de réalité profondément répressif sous les impératifs duquel l’individu-citoyen n’est molécule de souveraineté que dans la mesure où il se livre inconditionnellement, sur le plan socio-économique, aux formes évolutives de la fin en soi irrationnelle du capitalisme et, en ce sens, s’opprime lui-même. »
« L’ensauvagement progressif des appareils sécuritaires débridés, les atteintes au droit à tous les niveaux et la « mafiaisation » de la politique se superposent à la « normalité » démocratique : la société devient une image trompe-l’œil où des moments de dictature et de représentation parlementaire, de violence délimitée et de positivisme juridique se fondent les uns aux autres. « 

« La Voie pauvre de la rébellion » de Jacques Fradin

« Puisque l’enrichissement, croissant et pour tous, est impossible, puisque le projet de l’économie est une impasse, il ne reste que la possibilité de l’enrichissement, qui peut alors être extravagant, pour quelques-uns ; une très faible croissance (ou même une décroissance) associée à une répartition fortement inégalitaire, et dont l’inégalité croît, tout cela fera l’affaire. Pour continuer à défendre l’économie, mise au service exclusif des ultras riches.
Mais ce programme du nouveau gouvernement économique doit être caché et, publiquement, dénié. Il faut continuer à faire croire en la possibilité de l’enrichissement croissant et pour tous, tout en sachant qu’une telle chose est impossible et que les politiques économiques maintenues sont des politiques d’appauvrissement de parties de plus en plus croissantes de la population et d’enrichissement monstrueux de parties de plus en plus restreintes de cette population (l’inégalité
croît).
Le nouveau gouvernement économique doit donc pratiquer le mensonge systématique, au nom de la défense de la foi économique (le nouveau nom de la raison d’État). »

« Une violence éminemment contemporaine » Jean-Pierre Garnier

Essais sur la ville, la petite-bourgeoisie intellectuelle et l’effacement des classes populaires.
« Tout s’est passé, en somme – et tout se passe encore, pour beaucoup -, comme si, faisant inconsciemment de nécessité vertu, le néo-petit-bourgeois s’était résolu à ériger sa petitesse en mesure du monde. « 

« Fragmenter le monde » de Josep Rafanelli i Orra

« Que « les femmes » voient dans chaque homme un porc déguisé et que « les hommes » voient en chaque femme une allumeuse inconséquente, assure de beaux jours au maintien de l’ordre impérial.
Que « les non-blancs » voit en chaque « blanc » un raciste atavique et que chaque « Français » redoute son « remplacement » par ceux qui furent colonisés, voilà qui garantit contre tout risque d’insurrection populaire. » (préface de Moses Dobruska)

« En attendant la fin du monde » de Baudouin de Bodinat

« & aussi que la plupart certainement n’avaient pas réclamé, n’avaient pas voulu en personne ces déprédations, n’avaient pas exigé en leur nom cette mise au pillage, tout ce cyclopéen d’extraction et de razzias, de récoltes à blanc, cette dénudation brutale de la vie terrestre – ni rien en particulier de ce qui a fait le lit de ce désordre menaçant; néanmoins qu’ils voulurent bien ce qu’on leur procurait, et non seulement le strict utilitaire mais encore le très superflu par rotation de porte-containers, les commodités flatteuses à la négligence et au manque de goût, toute cette profusion sous blister ou en armoires de congélation; qu’ils furent preneurs volontiers de ces innovations de l’informationnel à porter sur soi qui leur sont maintenant des indispensables à épanouir leur individu; qu’ils aient peu renâclé à cet envahissement : « Je ne suis pas le donneur d’ordre », s’exonèrent-ils (« Je n’y suis pour rien si c’est devenu comme ça », « On n’avait rien demandé, mais c’est là autant s’en servir », etc.) Qui est assez en duplicité le « Je n’ai pas demandé à vivre » de l’adolescent maussade. On lui répondra : Mais si, tu ne serais pas là sinon; et aux autres : Mais si, on n’en serait pas là sinon. « 

« La Société ingouvernable » de Grégoire Chamayou

Voir la recension de cet ouvrage sur ce site.
C’est ce que l’on pourrait appeler, par référence à l’insecte xylophage du même nom, la politique du capricorne : nul besoin de tailler les poutres à la hache quand, tapies dans le bois, milles petites gueules rongent inexorablement la charpente.
Avec cette méthode, il n’est pas nécessaire de persuader tout le monde d’adhérer au projet global d’une société de marché pour que chacun œuvre à la faire advenir. En réalité, il est même crucial de ne jamais poser aux gens la question de cette échelle : cette société-là, on ne va pas la leur vendre en gros, seulement au détail. La grande question du choix de société, on l’élude en la dissolvant dans les minuscules questions d’une société de choix. (…) Petite, cette micropolitique l’est donc encore aussi au sens de la mesquinerie. Rétrécir l’horizon. Ne plus regarder le monde que par le petit bout de la lorgnette. Le paysage général, on ne le contemplera que plus tard, en prenant peut-être enfin un peu de recul. Un à un, les rapports les plus infimes en auront été altérés et, à perte de vue, l’ensemble sera devenu méconnaissable.

« Politique des multiplicités » de Eduardo Viveiros de Castro

« L’idée selon laquelle le capitalisme globalisé a entraîné une diminution du pouvoir de l’État me paraît invraisemblable. Hormis le fait qu’il a fallu et qu’il faut toujours un gigantesque appareil régulateur et interventionniste, administré par l’État, pour produire la « dérégulation de l’économie, ainsi que pour soutenir politiquement et militairement un « marché libre », qui n’est ni l’un ni l’autre, il n’est pas nécessaire d’être un « anarcho-autonome » fanatique pour percevoir que jamais l’État n’a été si présent, si près de la vie quotidienne. « 

« Avis de tempêtes : la fin des beaux jours ? » de Collectif

Une recension de Jacques Luzi : L’écologie politique a-t-elle besoin de la collapsologie ?
https://lepromeneur111.blogspot.com/2020/09/lecologie-politique-t-elle-besoin-de-la.html

« De la démocratie en Pandémie » de Barbara Stiegler

« La vieille tendance des néolibéraux à faire la leçon à une population jugée inapte et à lui asséner la « pédagogie des réformes » cédait la place à une infantilisation générale de tous les actes de la vie, publique et privée. « 
« Ainsi s’opérait, dès les premières heures, une spectaculaire inversion des responsabilités. Alors que les citoyens étaient les victimes d’une politique qui avait désarmé le système sanitaire, le gouvernement inversait la charge en l’imputant aux citoyens eux-mêmes. « 

« La Liberté dans le coma » de Groupe Marcuse

 » L’urgence n’est pas de défendre « les libertés », mais de réinventer la liberté. Le déclin programmé des libertés partielles n’est que l’autre face du triomphe d’une conception avilie de la liberté humaine, à peu près réduite à celle que demande le système marchand et technicien. « 
 » L’idée moderne de liberté s’est constituée contre le repoussoir des mondes fermés d’antan, de la vie de village ou dans les petits quartiers, avec leurs commérages et leur contrôle social de proximité. L’indépendance économique et le contact direct avec la nature ont été sacrifiés à ce désir d’anonymat. Or, en ce début de XXIe siècle, l’anonymat – qui a gagné bien des campagnes – n’a plus rien de protecteur. La liberté ne se conquiert pas en fuyant notre humanité mais en l’élaborant autrement. »

« Prospérités du désastre : Aggravations » de Jean-Paul Curnier

On aurait tort de penser qu’une telle déroute marque le point final de la spectaculaire régression qui caractérise la vie politique des pays dominants du monde mondialisé. Elle ne constitue en réalité qu’une première étape, si consternante soit-elle, d’une forme nouvelle de soumission au pouvoir plus grande encore qui se prépare. Et si cette étape est en tout point effrayante, c’est parce qu’elle outrepasse déjà notre propre imaginaire de la déroute, toute anticipation, même la plus alarmiste, de la déchéance contemporaine du politique.

« Contre la résilience » de Thierry Ribault

Funeste chimère promue au rang de technique thérapeutique face aux désastres en cours et à venir, la résilience érige leurs victimes en cogestionnaires de la dévastation. Ses prescripteurs en appellent même à une catastrophe dont les dégâts nourrissent notre aptitude à les dépasser. C’est pourquoi, désormais, dernier obstacle à l’accommodation intégrale, l’« élément humain » encombre. Tout concourt à le transformer en une matière malléable, capable de « rebondir » à chaque embûche, de faire de sa destruction une source de reconstruction et de son malheur l’origine de son bonheur, l’assujettissant ainsi à sa condition de survivant. À la fois idéologie de l’adaptation et technologie du consentement à la réalité existante, aussi désastreuse soit-elle, la résilience constitue l’une des nombreuses impostures solutionnistes.

« Antimatrix » de Alessi dell’Umbria

Tout doit être fait pour nous distraire, le pas décisif ayant été franchi avec la production d’appareils conçus pour que chaque individu soit constamment distrait, de son environnement, de ses proches, de sa propre vie … La distraction cultive alors l’absence au monde.
On a jamais autant construit dans le monde à toutes fins de le rendre inhabitable.

« La Nature contre le capital » de Kohei Saito

L’écologie de Marx dans sa critique inachevée du capital.
« Avec le mode d’appropriation capitaliste, le « métabolisme » individuel et social s’est
considérablement appauvri, précisément à cause du caractère de classe caché, parce que la masse des travailleurs y est soumise à un pouvoir étranger, celui de l’argent, indépendamment de ses besoins concrets. »
Ce qu’il y a d’important dans la contribution scientifique de Marx aux débats écologiques actuels, est sa démonstration, conduite à partir des déterminations fondamentales de la société marchande, que la valeur comme médiation du caractère transhistorique entre l’humanité et la nature, est incapable de satisfaire aux conditions matérielles d’une production durable.
Le capitalisme pourrait très bien continuer à profiter de l’exploitation sans scrupule des richesses naturelles jusqu’au moment où la nature serait à ce point détruite qu’une grande partie de la terre serait devenue inhabitable.

« Le Mur énergétique du capital » de Sandrine Aumercier

Contribution au problème des critères de dépassement du capitalisme du point de vue de la critique des technologies.
« La composition organique du capital peut varier grandement d’une époque à l’autre et d’une région à l’autre, mais la tendance absolue est à l’épuisement de toutes les sources d’énergie, de manière soit additionnée, soit successive. Le capital n’a de préférence que pour la source d’énergie la moins coûteuse à tel moment de sa trajectoire historique. »
« Les énergies « vertes » sont le pur produit d’un capitalisme en bout de course essayant de se présenter comme « renouvelable » alors qu’il n’est rien d’autre qu’extractiviste et néocolonial. « 

« L’Impasse capitaliste » de Tom Thomas

Travail, besoins et urgence écologique.
Les hommes du capitalisme ne contrôlent plus rien du métabolisme hommes/nature, bien qu’ils sachent pertinemment qu’il se dégrade gravement. Aucun des moyens évoqués ci-dessus ne permet au capital de sortir de sa décadence sénile puisqu’elle est structurelle et plonge ses racines dans ce qui produit et reproduit le capital et s’étiole : le travail. Ces moyens sont et seront néanmoins mis en œuvre parce que la dynamique du capital est automate, et qu’il trouvera toujours des hommes qui s’attacheront à en être les exécutants, tant pour des raisons financières qu’idéologiques, et aussi par soumission.


À SUIVRE…

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Bonjour,

Réfléchissons et expérimentons ensemble

Comment concevoir une Écologie Sociale dans les temps présents ?

Quelle est la situation de notre réalité humaine dans le monde contemporain ?

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Quels sont les obstacles qu’il nous faut franchir pour nous reconnecter à une réalité humaine digne de ce nom ?

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    Organisé par la Confédération paysanne du Gard, mardi 14 mai 2024, Nîmes, 18-20h

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