La diversité contre l’égalité

de Walter Benn Michaels

Walter Benn Michaels ne fait pas dans le « gentil » ; et ce n’est pas un idéologue.
Par contre il dit assez clairement ce qui est, à savoir que dans le monde capitaliste les pauvres sont bien les maudits de la Terre et que plus personne ne semble songer à y remédier, politiquement; que tout est fait au contraire pour éluder la question et pour parler d’autre chose. Que la simple évocation du problème (qui concerne pourtant directement au moins les trois quarts de la population mondiale) fait de vous un très mauvais sujet, un agitateur aurait-on dit en une autre époque.

Une des principales « méthodes » qu’utilise la domination contemporaine dans le but d’occulter ce sujet « brûlant » est la mise en avant de la « diversité » : toute diversité mériterait le respect.

La monétarisation des techniques de discrimination implique non pas seulement de nouvelles méthodes pour maintenir les indésirables à l’écart, mais aussi une redéfinition des indésirables – non pas les Noirs ni les Juifs, mais les pauvres.

Le fait, par contre, que cette « diversité » ait des conséquences tout à fait différentes selon que l’on soit riche ou pauvre, voilà qui n’est pas du tout à l’ordre du jour.

Il suffit de comparer les obligations liées à la diversité (tout le monde doit être gentil avec tout le monde) avec ce qu’implique l’égalité (certains doivent renoncer à leur richesse) pour comprendre à quel point l’engagement pour la diversité a transformé le projet politique de la gauche américaine (puis européenne et occidentale au sens large du terme)  en un programme visant à ce que les riches de couleur de peau ou d’orientation sexuelle « différentes » se sentent plus « à l’aise » sans toucher à la chose qui, entre toutes, les rend plus « à l’aise » : leur argent.  


Mais les pauvres, eux, n’ont aucune envie de contribuer à la « diversité économique » : ce qu’ils veulent, c’est tout simplement cesser d’être pauvres.

Évidemment, dès que l’on daigne réfléchir quelque peu au problème, on ne peut que constater qu’aucune société ne peut être viable ni même agréable à vivre dans un tel contexte ; sauf par le renforcement permanent d’une psychopathologie qui semble caractériser les classes privilégiées, l’égocentrisme-narcissisme, qui par ce biais particulier prétendent s’éviter tout questionnement. 

Et puis pour faciliter les choses, il faut reconnaître que les techniques d’évitement et de distanciation provoqués directement par le fait d’avoir ou de ne pas avoir d’argent sont très efficaces : on ne fréquente pas les mêmes territoires. Loin des yeux, loin du cœur ! 

Songeons tout de même que les riches, eux aussi, sont une catégorie de la diversité ; peut-être même qu’ils estiment avoir droit également au respect aux vues de leurs difficultés. Oui, tout n’est pas rose même chez les riches. 

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