Leçons d’histoire qui ne sont pas dans les programmes

Ceux qui rédigent les livres d’histoire dévolus à l’enseignement, à l’édification de la jeunesse, ont la plupart du temps une approche de cette matière essentielle curieusement restrictive. D’une manière générale, ce que l’on voit exposé en ces livres, c’est prioritairement l’histoire des pouvoirs en place et une forme de glorification de leurs agissements, une mise en avant de leurs apparats. Les réalités vécues des populations, leurs refus et résistances aux logiques de la domination, leurs aspirations effectives, c’est à dire tout ce qui devrait constituer le cœur de la matière historique, est tout au contraire réduit à la part congrue, à l’accessoire. Les ouvrages présentés ici ont donc pour but de tenter de remédier à ce qu’il faut bien désigner comme une véritable falsification de la mémoire des peuples. Sachant qu’ils ne représentent qu’un simple aperçu, tout à fait partiel, d’un passé volontairement occulté que nous avons tout intérêt pourtant à mettre en relation avec notre présent.

Les Révolutions populaires en Europe aux XIVe et XVe siècles de Michel Mollat et Philippe Wolff

Une traversée des contestations (surtout urbaines) qui ont secoué l’Europe de 1250 à 1500.

La Guerre des paysans en Allemagne de Friedrich Engels

La Guerre des Paysans allemands entre 1524 et 1526.

Peintres et vilains de Maurice Pianzola

Les artistes de la Renaissance et la grande guerre des paysans de 1525
« Histoire qui est celle de manants bafoués et illettrés avec les artistes de la Renaissance : l’histoire des dizaines de milliers de paysans allemands insurgés dont les yeux furent un instant éclairés par l’avenir trop tôt entrevu. L’histoire, plus précisément, de leurs rapports avec des artistes qu’ils entraînèrent et à qui ils inspirèrent des œuvres longtemps dédaignées ou laborieusement interprétées à contresens par l’histoire de l’art. »

D’or, de rêves et de sang de Michel Le Bris

L’épopée de la flibuste (1494-1588)
Un livre tout à fait passionnant qui restitue le contexte historique dans lequel sont nées flibuste et piraterie autour des Caraïbes au XVIe siècle. Activités qui apparaissent comme tout à fait accessoires à coté de celles des Conquistadores qui partant pour l’essentiel de Séville à la suite de Colomb, se livrèrent à un intense pillage, d’une inimaginable barbarie, de toutes les ressources de cette vaste zone géographique; faisant de l’Espagne à cette époque, la première puissance européenne « Pour tout l’or du monde et la gloire de Dieu … ».
Pour donner un simple exemple de cette barbarie et de ce génocide qui s’exercèrent au nom du catholicisme, citons simplement le cas d’Hispaniola, nom donné alors à la grande île où sont situés aujourd’hui St Domingue et Haïti. Des 3 millions d’Arawaks qui peuplaient Hispaniola au moment de sa découverte, ils n’en restaient plus en 1508, que « soixante mille malheureux, titubants d’épouvante ». Et deux ans plus tard, « c’étaient les Bahamas que l’on tenait pour vides. Velasquez à Cuba, Ponce de Leon à Porto Rico, Cortés à Mexico, Alvarado, Pizzaro, c’est à qui surpassera l’autre dans ce carrousel de l’épouvante. ».

Les Veines ouvertes de l’Amérique latine de Eduardo Galeano

Voici l’histoire implacable du pillage d’un continent. Nous suivons, siècle après siècle, et dans le moindre détail, la honte du mécanisme qui a conduit à une dépossession ruinant les nations d’un des espaces les plus prometteurs de l’univers. Un moment d’histoire « fondateur » comme l’on dit mais pourtant fort peu explicité dans les écoles, de peur probablement d’écorcher de chastes oreilles dont l’on préférera donc laisser l’éducation aux studios Walt Disney.

Pirates de tous les pays ! De Marcus Rediker

Nul parfum de « nihilisme » avant la lettre dans les dilapidations effrénées et l’intrépidité vertigineuse qu’ont décrites des chroniqueurs offusqués par cette fast life, ce vivre-vite jugé absurde, voire démoniaque. Bien au contraire : de cette fulgurance anarchique, de cette imprévoyance délibérée naissaient une volonté commune, une cohésion rebelle. Et ce goût du renversement se révélait propice à l’accomplissement des plus beaux exploits au détriment des ennemis de la liberté. Cette quête d’une vraie vie sur les eaux tumultueuses du négatif constituait une mise à nu tragique du système marchand, une réponse railleuse à son extension planétaire, une sagesse en mouvement. Dans le secteur hautement stratégique de l’offensive capitaliste qu’était alors le transport maritime, les pirates critiquaient en actes les aberrations du principe de rentabilité – et les âmes d’épiciers, les esprits policiers s’en trouvèrent à jamais désolés. (préface de Julius Van Daal)

Cromwell, les Niveleurs et la République de Olivier Lutaud

« Je constate que, bien que la liberté ait été notre but, cela a dégénéré. Je m’étonne que nous ayons été à ce point trompés. Je souhaite que nous ne perdions pas tout ce temps sur ces questions. Car parlons clair : quand les hommes en arriveront à les comprendre, ils sauront ne pas perdre ce pour quoi ils ont combattu … » Edward Sexby aux Débats de l’armée à Putney – 29 octobre 1647

Beau comme une prison qui brûle de Julius Van Dall

1780
Si le récit reprend le ton de l’époque pour mieux y immerger le lecteur, l’analyse est résolument actuelle, qui rappelle de quoi sont capables les « populaces » lorsqu’on les pousse à bout : elles découvrent alors que « la route des excès mène au palais de la sagesse », selon l’aphorisme de William Blake. D’ailleurs ce génial graveur, poète et prophète participa, jeune homme, à cette émeute et notamment à l’incendie de la prison de Newgate – véritable prélude à la prise de la Bastille neuf ans plus tard.

La Terre pleurera – Une histoire de l’Amérique indienne de James Wilson

Mais oui, c’est bien le libéralisme marchand et l’avidité qui est son ressort essentiel qui exigeaient la disparition et l’extermination des indiens d’Amérique dont la culture et le mode de vie étaient par nature contraire.

Mutineries de Niklas Frykman

A bord des vaisseaux insurgés 1789-1802
Du début de la Révolution française, en 1789, à la précaire paix d’Amiens en 1802, les marines française, hollandaise et britannique connurent plus de 150 mutineries à bord d’un seul navire, ainsi que six mutineries affectant une flotte entière. Ces rébellions durèrent de quelques jours à plusieurs mois et impliquèrent jusqu’à 40 000 marins. Chacun de ces conflits suivit sa propre trajectoire mais, dans la deuxième moitié des années 1790, leur simultanéité les fit confluer en une seule vague révolutionnaire. Les mutins des années 1790 partageaient une culture radicale supranationale qui se retrouvait dans toutes les marines européennes – une culture où se conjuguaient des traditions et des influences tant maritimes que terrestres.

Ils étaient l’Amérique De remarquables oubliés, t.3 – de Serge Bouchard et Marie-Christine Levesque

« Ces Algonquiens de la Boréalie n’avaient pas de chefs. Pour avancer, ce qui est fondamental dans la vie des nomades, les Innus s’en remettaient aux meneurs, aux guides, aux éclaireurs. Nul n’était tenu de les suivre. Tous savaient pourtant que celui-là voyait et voyait mieux que quiconque. Tous savaient reconnaître celui ou celle qui marquait le chemin.»
Donnacona, Membertou, Anadabijou, Tessouat, Langlade, Pontiac et Kondiaronk sont les personnages centraux d’Ils étaient l’Amérique. Aucun d’eux n’a laissé de témoignage direct de sa vie ni de trace écrite, aucun d’eux n’a eu la vanité de soigner son image pour la postérité. Il a été terriblement facile d’enterrer leur importance politique et d’effacer de la mémoire collective leurs aspirations.

Les Luttes de classes en France : 1848-1850 de Karl Marx

Juin 1848
On sait que les ouvriers, avec un courage et un génie sans exemple, sans chefs, sans plan commun, sans ressources, pour la plupart manquant d’armes, tinrent en échec cinq jours durant l’armée, la garde mobile, la garde nationale de Paris ainsi que la garde nationale qui afflua de la province. On sait que la bourgeoisie se dédommagea de ses transes mortelles par une brutalité inouïe et massacra plus de 3000 prisonniers.

La Révolte des Taiping de Jacques Reclus

Le soulèvement Taiping (1851-1864) préluda à la déconfiture du pouvoir impérial en Chine. Cette rébellion massive et fulgurante contre la « bureaucratie céleste » était animée par un ardent messianisme égalitaire. Partie du sud de la Chine, elle se propagea jusqu’à contrôler durablement plusieurs provinces, établissant sa capitale à Nankin. Elle ne put être jugulée puis écrasée qu’au prix de millions de morts – et avec l’active complicité des puissances occidentales prédatrices.

La Guerre civile en France de Karl Marx

1871 – Dans une brève esquisse d’organisation nationale que la Commune n’eut pas le temps de développer, il est dit expressément que la Commune devait être la forme politique même des plus petits hameaux de campagne et que dans les régions rurales l’armée permanente devait être remplacée par une milice populaire à temps de service extrêmement court. Les communes rurales de chaque département devaient administrer leurs affaires communes par une assemblée de délégués au chef-lieu du département, et ces assemblées de département devaient à leur tour envoyer des députés à la délégation nationale à Paris; les délégués devaient être à tout moment révocables et liés par le mandat impératif de leurs électeurs.
L’unité de la nation ne devait pas être brisée, mais au contraire organisée par la Constitution communale; elle devait devenir une réalité par la destruction du pouvoir d’État qui prétendait être l’incarnation de cette unité, mais se voulait indépendant de la nation même, et supérieur à elle, alors qu’il n’en était qu’une excroissance parasitaire.

Pancho Villa – Roman d’une vie – de Paco Ignacio Taibo II

Une biographie exemplaire et un moment d’histoire universelle essentiel remarquablement restitué. Paco Ignacio Taibo II n’a pas choisi la facilité et le résultat est remarquable, mettant en lumière tous les aspects de cette prodigieuse aventure réelle; l’aventure de la conquête de la liberté de tout un peuple à travers la vie d’un de ses plus énergique partisan.

Les Soviets trahis par les bolcheviks de Rudolf Rocker

1921 – Les soviets auraient pu jouer en Russie le même rôle que les sections pendant la Révolution française, mais une fois qu’ils eurent été dépouillés de leur autonomie par le pouvoir central, qui ne laissa subsister d’eux que le nom, ils perdirent immanquablement toute influence féconde sur le cours de la révolution. »
« Le centralisme n’a jamais été une unification des forces, mais bien la paralysie de la force ; c’est l’unité artificielle de haut en bas, qui cherche à atteindre son but par l’uniformisation de la volonté et l’élimination de toute initiative indépendante – l’unité d’action d’un théâtre de marionnettes, dont chaque personnage saute et danse au gré de celui qui tire les ficelles dans les coulisses.

L’Empereur partit, les généraux restèrent de Theodor Plievier

1918 – L’Empereur partit, les généraux restèrent, ou Histoire d’une révolution manquée. Avec en filigrane le programme d’une caste militaire décidée, quel qu’en soit le prix, à s’accrocher au pouvoir malgré son écrasante responsabilité dans la barbarie montante de ce jeune XXe siècle, l’action de ce « roman-documentaire » s’étend du 16 octobre au soir du 9 novembre 1918, c’est-à-dire de l’effondrement du front à la proclamation de la Ire République allemande. Le récit commence dans la boue d’une tranchée, s’attache à la révolte des matelots de la marine impériale, il s’achève sur le pacte secret scellé entre le social-démocrate Ebert et le chef de l’armée, Groener. Il trouve son unité et son esthétique narrative dans la brutale accélération des événements révolutionnaires au cours des dernières semaines de la guerre.

La république des conseils de Bavière de Erich Mühsam

1919 – On combattait la crise par un renforcement de la pression sur les travailleurs et les gens sans emploi, on apaisait ses victimes par des élections, encore des élections et toujours des élections. Les partis cherchaient le profit de leurs dirigeants dans les préjudices subis par leurs adhérents. Un nouveau gouvernement que l’on était allé chercher dans la masse successorale d’époques féodales faillies, se livrait à des querelles constitutionnelles, cependant qu’une atmosphère de guerre civile menaçante s’étendait sur l’Allemagne. Et les tentatives pour écarter l’étouffement et le désespoir, les remèdes instamment recommandés par fascistes et démocrates, gens d’église et socialistes de droite ou de gauche, provenaient tous de l’officine de l’autorité, chacun prônant son État, sa vocation au pouvoir, son système autoritaire.

La révolution fut une belle aventure de Paul Mattick

Des rues de Berlin en révolte aux mouvements radicaux américains 1918-1934
Au cœur des années de feu de la révolution allemande (1918-24), Paul Mattick nous raconte son incroyable parcours, entre action directe et répression, illégalisme et clandestinité. Le reflux du mouvement révolutionnaire et la montée en puissance des forces autoritaires stalinisme et nazisme , le poussent, comme tant d autres, à l‘émigration. Aux états-Unis, il s engage aux côtes des IWW et d‘autres groupes radicaux, puis il participe au grand mouvement des chômeurs des années 1930 où se mêlent hobos, syndicalistes et révolutionnaires. Il nous plonge dans ces moments d intense agitation sociale, aujourd hui méconnus.
J’ai toujours ressenti le « refus de parvenir ». Ainsi, je n’ai jamais occupé de poste dans le mouvement ouvrier. J’ai assumé des tâches, exercé des responsabilités, certes, mais pas pour de l’argent et sans jamais avoir un statut particulier. J’ai toujours été dans des situations où j’étais éligible et révocable. Jamais je n’aurais voulu avoir une position de permanent. Cela ne me séduit absolument pas; je garde ainsi ma liberté et je peux vraiment exprimer ce que je pense. Je ne veux pas me vanter, mais je sais que dès que tu reçois de l’argent, tu n’es plus ton propre maître car tu dois t’identifier aux gens qui te paient. Du coup, tu perds ton indépendance. Pour moi, cela a été important de ne jamais occuper un poste; si on me l’avait proposé, je l’aurais refusé.

Le Chemin vers le bas Considérations d’un révolutionnaire allemand sur une grande époque (1900-1950) de Franz Jung

« Pourquoi cherches-tu la quiétude quand tu es né pour l’inquiétude ? »
C’est par cette citation que s’ouvre le récit de Franz Jung. Pendant le premier tiers du XXe Siècle, Jung fut sur tous les fronts; celui de la psychanalyse (mais rien à voir avec le triste C.G.Jung), celui de la révolution artistique avec l’expressionnisme et surtout l’aventure Dada en Allemagne ou il joua un rôle déterminant; celui de l’action révolutionnaire la plus énergique et également celui de l’expression théâtrale la plus engagée (Brecht). En 1933, il sera également l’un des rares à s’engager dans la résistance armée au nazisme.
On ne saurait décrire les mille vies de Franz Jung sachant qu’en être libre, il ignora superbement toute préoccupation d’Ego et de réussite sociale.
Ainsi le météore Franz Jung traversa notre histoire sans qu’aucune idéologie puisse prétendre se l’approprier.
Le peintre George Grosz, lui-même très fin observateur de la société allemande de cette époque, note à son sujet dans son livre « Un petit oui et un grand non »,  » C’était un des hommes les plus intelligents que j’ai jamais rencontrés, mais également un des plus malheureux. »
Il y a quelque chose d’étrange à constater que la profonde singularité d’un être humain,l’impossibilité de le « classifier », phénomènes qui ne sont rien d’autre après tout que l’expression la plus marquante de sa capacité à se conduire en être effectivement libre.

Asturies 1934 – Une révolution sans chefs – de Ignacio Diaz

En octobre 1934, suite à l’entrée au gouvernement espagnol de la droite la plus conservatrice, une grève insurrectionnelle explose dans les bassins miniers des Asturies. Le prolétariat, unit à la base en une Alliance ouvrière révolutionnaire, proclame la République socialiste. Pour suffoquer la rébellion, 30 000 soldats sont envoyés, dirigés par un certain général Franco. Se joue alors la répétition générale de la révolution de 1936 et de la guerre qui devait y mettre un coup d’arrêt. L’ouvrage, complété par un important dossier, retrace l’élan et l’écrasement de l’éphémère Commune asturienne, épisode peu documenté en français mais aux enjeux mémoriels et historiographiques encore vifs.
Ainsi naît une contradiction entre des bases désirant s’extraire, par la révolution, du cadre étroit de la république capitaliste qui a déçu tous leurs espoirs de changement réel, et les cadres socialistes syndicaux et politiques pour lesquels l’objectif principal est le maintien de la République (et de leur pouvoir en son sein) .

Les Anarchistes dans la ville de Chris Ealham

Révolution et contre-révolution à Barcelone (1898-1937)
« La culture antipolice était avant tout une culture de l’action. Elle défendait les droits du « nous », de la communauté, à décider de l’usage des rues ; elle prônait la lutte pour l’autonomie, l’autogestion et la liberté du quartier contre les autorités extérieures ; elle réglementait un ensemble de pratiques populaires urbaines, organisées autour de liens personnels directs, et donc opposées aux organes bureaucratiques du contrôle social (police et tribunaux) et aux forces impersonnelles du marché. (…) Par conséquent, à la fin des années 1920, beaucoup de barris étaient des espèces de petites républiques : organisés par le bas, sans privilèges ni hiérarchies, ils constituaient un ordre socioculturel urbain largement autonome et des espaces assez libres, où la police ne pénétrait presque jamais et où l’autorité et le pouvoir de l’État étaient faibles ».

Journal de guerre, suivi de Journal du métèque de Jean Malaquais

Début septembre 1939, Malaquais se trouve embarqué comme simple soldat dans «la drôle de guerre» et se retrouve en assez piètre compagnie à remuer de la boue et du ciment en Lorraine en prévision de l’invasion teutonne qui se doit de passer en ces lieux.
Avec ce journal, fruit de ces circonstances particulières, notre auteur va progressivement trouver le rythme correspondant à cet exercice particulier et surtout, grâce à ses talents d’observation acérés, se saisir pleinement de l’esprit de cette époque où prédominent l’absurde et la confusion.
De ce qui aurait pu n’être qu’un simple témoignage individuel, il dresse un tableau plutôt accablant d’une France vivant dans de ridicules illusions et qui n’allait pas tarder à sombrer dans les plus médiocres renoncements et ignominies de la collaboration et du pétainisme.
Nationalismes … Toute borne est arbitraire, qui désunit et compartimente les peuples. Tels qui, ici ou là-bas, exaltent leur chaumière, leur clocher natifs trucideraient, la conscience tranquille, leurs analogues que le sort aura fait naître de l’autre coté du poteau frontalier. Pour moi, qui récuse la moindre allégeance politique à l’idée d’État, de nation, il n’y a jamais eu de patriotisme que chauvin et belliqueux.

Au pays de la cloche fêlée de Ngo Van

Vietnam 1932-1948 – Ce livre retrace, au fil des souvenirs d’un témoin engagé, une époque qui se clôt avec le début de la guerre d’Indochine. Les luttes sociales et les menées révolutionnaires de ce temps, au-delà de l’affrontement avec le très ubuesque pouvoir colonial, se sont achevés par l’extermination de bon nombre de leurs protagonistes – combattants de l’impossible, victimes d’une double terreur, coloniale et stalinienne. C’est cette mémoire confisquée par les idéologies de tous les pouvoirs que ce récit entend raviver.
..:A TOUS CEUX-LA et tant d’autres compagnons et compagnes de lutte, à tous ceux qui ont rêvé d’un monde nouveau libéré de l’oppression et de l’exploitation, serfs des rizières, esclaves des plantations, mineurs, coolies, journaliers, ouvriers et paysans, qui périrent dans l’anonymat, « combattants tombés dont personne ne tracera le portrait, personne n’évoquera l’âme ».

Guadeloupe, mai 1967 – Massacrer et laisser mourir – de Elsa Dorlin

En mai 1967 en Guadeloupe, un mouvement de grève est réprimé dans le sang par les forces de l’ordre françaises. Elles ouvrent le feu sur la foule en ciblant des militants du mouvement anti- colonialiste et syndicaliste ; tirent sur les passants, blessent et arrêtent des dizaines de personnes. Le préfet de Guadeloupe alors en poste est Pierre Bolotte, ancien haut fonctionnaire en Algérie, futur préfet de Seine-Saint-Denis où il créera la BAC. Ce livre revient sur le déroulement des journées de mai et plus largement sur le contexte des années 1950 et 1960 aux Antilles et en Guyane ; sur les mouvements sociaux, indépendantistes et révolutionnaires et la répression sans précédent dont ils ont fait l’objet. Il analyse la politique de maintien de l’ordre en termes de gouvernementalité impériale pour révéler la circulation transatlantique des fonctionnaires, des militaires, des théories et techniques contre-insurrectionnelles de l’Algérie française et de l’OAS aux Antilles, en revenant en métropole. Aux massacres d’État et crimes républicains qui égrènent ces décennies se substituent progressivement des politiques migratoires, sociales et économiques discriminatoires, des idéologies sexuelles, raciales et familiales, qui matérialisent la colonialité du biopouvoir, dont la compréhension est vitale pour les luttes présentes.

Ombres chinoises de Simon Leys (1974)

L’arrêt de mort de la vie intellectuelle chinoise a été prononcé en 1942 à Yan’an par Mao Zedong, dans sa célèbre « Causerie sur les lettres et les arts » ; cette volonté clairement exprimée d’anéantir l’intelligence critique devait trouver dans la suite un champ d’application toujours plus vaste : du « mouvement de rectification » de 1951-52 à la purge de Hu Feng (1955), de la répression des « Cent Fleurs » (1957) aux gigantesques purges de la « Révolution culturelle », la guerre contre l’esprit a constamment gagné en ampleur ; elle n’a jamais changé de nature ni dévié de sa route.

La Guerre sociale au Portugal de Jaime Semprun (1975)

Des travailleurs de la T.A.P. écrivaient le 27 octobre : « Les difficultés économiques de ceux qui exploitent n’intéressent pas les travailleurs. Si l’économie capitaliste ne supporte pas les revendications des travailleurs, voilà une raison de plus pour lutter pour une nouvelle société, où nous puissions nous-mêmes avoir pouvoir de décision sur toute l’économie et la vie sociale. Tandis que tous les autres mouvements ne sont d’abord dirigés que contre le patron, l’ennemi visible, ce mouvement se tourne également d’emblée et explicitement contre le bureaucrate, l’ennemi caché.


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