La Commune met un terme à la fantasmagorie qui domine les premières aspirations du prolétariat. Grâce à elle l’illusion que la tâche de la révolution prolétarienne serait d’achever l’œuvre de 89 en étroite collaboration avec la bourgeoisie, se dissipe. Cette chimère avait marqué la période 1831-1871, depuis les émeutes de Lyon jusqu’à la Commune. La bourgeoisie n’a jamais partagé cette erreur. Sa lutte contre les droits sociaux du prolétariat est aussi vieille que la grande révolution. (Walter Benjamin)
Il s’agit du développement, au cours des XVIe et XVIIe siècles de ce que C. B. Macpherson a été le premier a appeler « l’individualisme possessif », par quoi il entend que les gens ont commencé à se considérer toujours plus comme des êtres isolés qui ne définissent plus leur rapport au monde en termes de relations sociales, mais en termes de droits de propriété.
Une ou deux générations, tout au plus, d’un infime pourcentage de l’humanité, ont fini par atteindre un niveau de vie extravagant, mais au prix d’une inimaginable dévastation de la planète, et d’un gaspillage inouï de l’énergie accumulée pendant des millions d’années. On peine à imaginer le prix payé pour cette illusion. Je ne pense pas uniquement aux crimes perpétrés contre la nature, dont nos petits-enfants auront encore à subir les conséquences (si tant est qu’ils survivent…) : il y a pire, bien pire.
Dans ses efforts pour mobiliser le plus de moyens susceptibles de « forcer la nature, « supprimer ses ennemis », « promouvoir « plus de croissance », ou de « défendre l’acquis », notre société moderne a donné naissance à de gigantesques infrastructures administratives, militaires, policières. (…) peu à peu ces structures se sont comportées comme toute personne investie d’un pouvoir délégué, elle l’ont usurpé à leur seul profit, au détriment de tous ceux dont elles le tenaient. (..) Ces instances ne sont plus gouvernées : elles gouvernent, par elles-mêmes. À la différence d’anciens usurpateurs, ces structures de pouvoir n’ont pas de visage, ni d’identité. Elles sont insensibles aux coups comme aux mots. (…)
Mais nous ne nous rendons pas compte qu’ils ont cessé d’agir en notre nom. Impossible de s’en débarrasser. Ils ne reconnaissent aucune divinité au-dessus d’eux, ni le peuple au-dessous d’eux. Ils ne reconnaissent plus qu’eux-mêmes, leur appareil, leurs organisations, et leurs propres lois de fonctionnement, leur prolifération destructrice. Ils ont la haute main sur une technologie qui peut métamorphoser le monde, qui leur fournit les moyens de le dominer, les armes pour le détruire. (Ivan Klima – 1980)
Toute solidarité avec le peuple Palestinien, fut-elle « humanitaire », modérée, est criminalisée. Plus de deux mois qu’un carnage sans nom se poursuit de jour comme de nuit, n’épargnant absolument personne, que la population sur cette enclave est de nouveau réduite à l’état de réfugiés, démunie de tout à l’approche de l’hiver, que la politique de la terre brûlée s’y applique implacablement et en toute impunité, plus de deux mois d’horreur absolue savamment et froidement organisée contre la population Palestinienne. ( Ghassan Salhab – décembre 2023)
Se dresser contre ce qui est là et se faire les gardiens vigilants des vivants et des morts. (Héraclite d’Éphèse)
S’il manque aux démocraties libérales tout ce qui pourrait ressembler à l’agora athénienne, elles ne manquent certainement pas, en revanche, d’équivalents des cirques romains. (David Graeber)
Les historiens oublient souvent que le passé existe davantage dans l’espace que dans le temps. ( Chris Ealham)
Intéressante remarque sur un des objectifs de la Commune « dissiper l’illusion que la tâche de la révolution prolétarienne serait d’achever l’œuvre de 89 en étroite collaboration avec la bourgeoisie ». Mais « l’échec » de la Commune et des autres tentatives ultérieures de sortir du capitalisme face à la bourgeoisie a permis à cette dernière d’imposer sa notion de développement. Développement, d’ailleurs que les marxismes orthodoxes et les social-démocraties se sont empressés d’adopter.
Mais plus loin tu écris « peu à peu ces structures se sont comportées comme toute personne investie d’un pouvoir délégué, elles l’ont usurpé à leur seul profit, au détriment de tous ceux dont elles le tenaient. » Le problème est d’expliquer comment les structures sont devenues autonomes. Il y a bien des humains (une fraction de la bourgeoisie) qui continuent de tirer les manettes, elles ne se tirent pas toutes seules. Par exemple, si un simple virus (Covid 19) a pu mettre à genoux momentanément le système économique mondial, est-ce que c’est uniquement « l’autonomie » de la structure qui a remis le développement sur sa voie d’avant covid? Les bourgeoisies ont-elles perdu totalement le contrôle de nous imposer le rouleau compresseur ?
Je sais bien qu’en un si court article il n’est peut-être pas possible d’expliquer ce qu’un certain nombre de penseurs (Ellul et les autres) ont tenté d’anticiper. Il faudrait peut-être revenir avec un suivi ?
Oui, comme tu le dis, il faut bien encore qu’il y ait des agents humains pour graisser les rouages de la machinerie capitaliste. Mais d’une part l’on constate qu’ils sont aisément « renouvelables »et sous des appellations diverses, d’autre part leurs défaillances persistantes encouragent fortement le système, en sa logique interne, à vouloir miser pour l’avenir sur l’I.A. dont il espère qu’elle permettra de remédier à toutes ces petites « faiblesses » qui caractérisent le genre humain jusqu’en ses pires histrions. En attendant, nos ennemis ont encore un visage pour quelques temps, même si ces gens ne sont eux-mêmes le plus souvent que des leurres dissimulant le Léviathan qui se cache derrière leurs silhouettes mesquines. La capacité du système à se remettre sur ses rails assez rapidement tient aussi à notre propre faiblesse, en ce sens qu’il faudrait être en mesure, à la première occasion, de commencer à faire prendre place à une véritable alternative, à rompre les liens qui nous enserrent en cette sinistre forme d’organisation sociale qui atomise les individus.
Et oui aussi sur le fait que chaque article publié sur le site exigerait un suivi, une continuité, même si une vue d’ensemble permet une certaine complémentarité. Mais c’est aussi grâce à des interventions comme la tienne que nous pouvons avancer quelque peu.
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