Dans L’ordre moins le pouvoir, Normand Baillargeon livre une analyse approfondie de l’anarchisme, de ses origines historiques à ses expressions contemporaines. Ce livre, à la fois accessible et érudit, offre une synthèse des grandes idées anarchistes, des figures fondatrices comme Pierre-Joseph Proudhon, Mikhaïl Bakounine, ou Emma Goldman, jusqu’aux mouvements anarchistes actuels. Baillargeon démontre que loin d’être un simple rejet de l’autorité, l’anarchisme est une pensée politique et sociale positive qui cherche à construire un ordre fondé sur la liberté, la solidarité et l’auto-organisation.
L’une des thèses centrales de l’ouvrage est que l’anarchisme n’est pas une idéologie figée dans le XIXe siècle, mais un cadre de pensée toujours pertinent au XXIe siècle. Baillargeon montre comment l’anarchisme a évolué pour répondre aux défis modernes, notamment ceux liés à l’écologie, aux nouvelles formes de domination économique, et aux crises démocratiques.
Anarchisme, écologie sociale et communalisme
L’ouvrage de Baillargeon trouve une résonance particulière au sein d’associations comme la nôtre qui ont pour pour projet d’implulser un mouvement émancipateur vers l’écologie sociale et le communalisme. Ces courants proche du notre, fortement influencés par des penseurs comme Murray Bookchin, se retrouvent en harmonie avec l’anarchisme dans leur critique du pouvoir centralisé et des systèmes de domination qui exploitent à la fois les êtres humains et la nature.
Baillargeon met en lumière la manière dont l’anarchisme s’est historiquement opposé à la concentration du pouvoir, non seulement politique, mais aussi économique et environnemental. Les luttes contre l’État-nation et le capitalisme se recoupent avec celles pour la défense des communs et la gestion locale des ressources, ce qui est au cœur de l’écologie sociale et du communalisme.
En effet, l’anarchisme propose des formes d’organisation non hiérarchiques, basées sur l’autogestion et la démocratie directe, qui sont des réponses naturelles aux défis écologiques modernes. Le capitalisme néolibéral, axé sur la croissance infinie et l’exploitation des ressources naturelles, se heurte à l’idée anarchiste d’un développement en harmonie avec la nature, où les communautés locales gèrent leurs territoires de manière responsable et équitable.
Un cadre pour le XXIe siècle
Dans un monde marqué par les crises environnementales, l’anarchisme, tel que présenté par Baillargeon, offre une alternative radicale mais réaliste aux systèmes actuels de gestion centralisée des ressources. Les communautés anarchistes, avec leur insistance sur l’autonomie, la résilience locale, et la coopération horizontale, incarnent les principes de l’écologie sociale en cherchant à recréer des liens harmonieux avec la nature.
De plus, le communalisme, qui s’inspire directement des idées anarchistes, promeut la décentralisation du pouvoir vers des assemblées locales démocratiques, où les citoyens peuvent s’organiser en fonction de leurs besoins et de ceux de leur environnement immédiat. L’objectif est de remplacer la hiérarchie par l’entraide et la solidarité, en remettant les décisions politiques et économiques entre les mains des communautés, et en intégrant les principes écologiques dans le fonctionnement même de la société.
Baillargeon montre que loin d’être une utopie, cette vision est déjà partiellement réalisée dans de nombreuses initiatives locales, qu’il s’agisse de coopératives agricoles, de villes en transition, ou de réseaux d’échanges de biens et de services. L’anarchisme offre ainsi une boîte à outils conceptuelle et pratique pour repenser nos modes de vie face aux défis écologiques.
En conclusion, l’ordre moins le pouvoir de Normand Baillargeon est une œuvre précieuse pour comprendre l’anarchisme, non seulement comme une critique des systèmes autoritaires, mais comme une proposition constructive pour un ordre social plus juste, en phase avec les défis écologiques du XXIe siècle. La pensée anarchiste, avec sa tradition de critique du pouvoir et de promotion de la gestion locale et coopérative, est un levier essentiel pour les mouvements d’écologie sociale et de communalisme. En soulignant les liens étroits entre ces courants, Baillargeon montre que l’anarchisme, loin d’être un vestige du passé, est une pensée vivante et indispensable pour bâtir un avenir digne.