Essais sur la hiérarchie, la rébellion et le désir
La rébellion, face à l’extraordinaire médiocrité et mesquinerie de la présente société humaine et telle qu’elle s’est construite sous la pression croissante de la domination et de l’idéologie capitaliste au cours des derniers siècles, a accompagné David Graeber toute sa vie. Elle est intrinsèque à l’ensemble de sa démarche. L’ensemble de ses recherches anthropologiques ont eu pour but de mettre en lumière toutes les possibilités et formes d’organisation sociale fondamentalement différentes qui se sont offertes à travers l’histoire humaine. Ces recherches se recoupent avec beaucoup d’autres pour démontrer que le capitalisme n’a jamais été une fatalité, que sa démarche totalisante a toujours provoqué de nombreuses résistances et en toutes les époques. Ce n’est nullement par sa logique que le capitalisme s’est imposé, et encore moins par son humanité, évidement. C’est par la force et la brutalité et grâce précisément à l’accumulation du capital extrait d’une violence permanente exercée à l’encontre de la nature et de l’humanité qu’il s’est établi jusqu’au stade de son totalitarisme contemporain. Certains, par paresse ou par lâcheté, trouvent plus commode de tenter de s’y acclimater, de l’oublier ou de faire comme si l’on devait s’en satisfaire. D’autres, comme Graeber, ne pourront jamais s’y résoudre et feront de leur vie un combat permanent contre cet ordre des choses. Nous osons penser pour notre part qu’ils sont le sel de la Terre.
« Ce livre a donc pour ambition de rassembler une série de points de vue sur la réalité du monde, points de vue différents et parfois incommensurables. Si leur cohérence tient avant tout à la conviction que notre monde pourrait bien avoir, après tout, un aspect très différent de celui qu’il nous présente, cette cohérence tient tout autant, peut-être, à la croyance que la combinaison de rage et de curiosité, de jeu intellectuel et de plaisir créatif qui insuffle toute tentative de théorie critique de la société digne de ce nom participe elle-même en dernière instance des puissances qui pourraient transformer ce monde en quelque chose de meilleur. »
« Il s’agit du développement, au cours des XVIe et XVIIe siècles de ce que C. B. Macpherson a été le premier a appeler « l’individualisme possessif », par quoi il entend que les gens ont commencé à se considérer toujours plus comme des êtres isolés qui ne définissent plus leur rapport au monde en termes de relations sociales, mais en termes de droits de propriété. »
« De toute évidence, le « travail salarié » (par opposition, disons, à des honoraires pour services professionnels) implique un certain degré de subordination : un travailleur doit être dans une certaine mesure sous le commandement de son employeur. C’est exactement pour quoi à travers toute l’histoire, deshommes et des femmes libres ont eu tendance à le rejeter, et pourquoi la majeure partie de l’histoire s’est déroulée sans que le capitalisme, dans sa première définition, ait jamais vu le jour. (…) Les hommes et les femmes libres se tenaient donc à distance de tout ce qui pouvait ressembler au travail salarié, dont ils percevaient qu’il s’agissait d’esclavage de fait, de location de soi-même. »
Possibilités
Essais sur la hiérarchie, la rébellion et le désir
David Graeber