Au stade présent de désagrégation de la structure de la société dans son ensemble et mondialement, et alors même qu’il semble bien n’exister plus aucun refuge durable à cette débâcle, le réflexe défensif pour beaucoup semble consister à « ne plus en parler » ou tout aussi bien à ne plus vouloir rien entendre ni rien voir.
Par un fâcheux phénomène, rien de ce qui nous concerne tous au premier degré ne vaudrait désormais la peine que l’on en discute; laissant le champ aux médias et à ses kyrielles d’experts qui savent eux si bien occuper l’espace mais pour qu’il n’en sorte jamais la moindre conclusion utilisable ni la moindre référence à la causalité des choses.
Qu’il s’agisse du nucléaire, de la pollution généralisée de la nature, des aliments, de la politique ou de la démocratie, du monde même, la liste des sujets où la parole semble devenue vaine s’allonge chaque jour…
Quand ce que le public ne veut pas entendre rejoint précisément ce que la domination ne souhaite pas le voir entendre, il faut croire alors que nous vivons très heureusement dans le meilleur des mondes.
L’un des traits les plus surprenants de l’âme humaine à coté de tant d’égoïsme dans le détail, est que le présent, en général, soit sans envie quant à son avenir. (R. H. Lotze)
Mais aussi,
Quelques-uns commencent à voir quand il n’y a plus rien à voir. Il est difficile de donner de l’entendement à qui n’a pas la volonté d’en avoir, et encore plus de donner la volonté à qui n’a point d’entendement. Et d’autant qu’ils sont sourds pour ouïr, ils n’ouvrent jamais les yeux pour voir. Cependant, il se trouve des gens qui fomentent cette insensibilité, parce que leur bien-être consiste à faire que les autres ne soient rien. (L’homme de cour. Baltasar Gracian)