À strictement parler, critiquer le positivisme, c’est se pencher sur « l’activité » scientifique. Ce n’est pas un hasard s’il s’est éloigné des préoccupations de l’humanité et s’il lui a été aussi facile de conclure un contrat de service avec ceux qui sont au pouvoir. (Walter Benjamin)
On sait malheureusement qu’il n’y a rien de plus contagieux que le délire et la folie. La vérité s’établit laborieusement par une argumentation raisonnée alors que (…) le délire se communique comme un bâillement, comme l’expression d’un visage ou une ambiance, comme une corde qui résonne en réponse à une autre. (…) Il est effrayant de voir à quel point le délire reste imprimé dans les mots, une fois qu’il les a frappés de son sceau. (J. G. Herder)
J’ai rêvé que je cheminais dans une venelle étroite ; mes vêtements et mes souliers étaient percés, j’avais l’air d’un mendiant. Un chien se mit à aboyer derrière moi. Je me retournai avec hauteur et le tançai rudement : « Assez ! Silence ! Vous autres chiens, vous ne savez que flagorner les puissants et brimer les humbles ! » « Hi ! Hi ! » rit-il, et il enchaîna : « Vous me flattez, mais vraiment sur ce chapitre, nous sommes loin d’égaler les humains. «
« Quoi ! ? » Je suffoquais de colère, trouvant ceci la dernière des insultes.
« Je confesse mon infériorité : je ne sais toujours pas distinguer le cuivre de l’argent, ni la toile du brocart ; je ne sais pas distinguer un bureaucrate de ses administrés, ni le maître de l’esclave, je ne sais pas… »
Je me sauvais à toute allure. (Lu Xun)
De toute façon, je déteste les hommages nécrologiques. C’est un genre aussi faux que les enterrements. La plupart du temps, banalités et mauvais goût y triomphent pour célébrer le moment où la singularité d’un être disparaît dans le lot commun. Prétend-on le déplorer, il se trouve toujours quelqu’un pour sacrifier à ce kitsch. Enfin, pour peu que les spécialistes s’en mêlent, ceux-ci se font un devoir d’ajouter la dose de contrevérités et d’approximations qui vont aussitôt être prises pour données objectives. (Annie Le Brun)
S’il manque aux démocraties libérales tout ce qui pourrait ressembler à l’agora athénienne, elles ne manquent certainement pas, en revanche, d’équivalents des cirques romains. (David Graeber)
Donc le problème n’est pas seulement la pollution de l’eau, de l’air ou des produits alimentaires, c’est aussi la pollution des esprits. (Xiaolong Qiu)
Il est assurément dommage que la société humaine rencontre de si brûlants problèmes au moment où il est devenu matériellement impossible de faire entendre la moindre objection au discours marchand ; au moment où la domination, justement parce qu’elle est abritée par le spectacle de toute réponse à ses décisions et justifications fragmentaires ou délirantes, croit qu’elle n’a plus besoin de penser ; et véritablement ne sait plus penser. Aussi ferme que soit le démocrate, ne préférerait-il pas qu’on lui ait choisi des maîtres plus intelligents ? (Guy Debord)
En fait, ce que nous appelons aujourd’hui « le marché » – fondé sur des institutions telles que la propriété privée, les monnaies nationales, les actes juridiques, les marchés du crédit – doit au contraire sa création à l’État et à ses pouvoirs coercitifs. Toutes ces institutions ont dû être mises en place et perpétuées par des politiques gouvernementales. Le marché était une création du gouvernement et l’est toujours resté. (David Graeber)
La question n’est pas de savoir si les gens sont « assez bons » pour un type de société particulier ; il s’agit plutôt de développer le type d’institutions sociales qui soient les plus propices à l’expansion des potentialités dont nous disposons en matière d’intelligence, de talent, de sociabilité et de liberté. (Paul Goodman)
On n’en finit jamais de commencer à comprendre. (Anonyme)